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Du principe de libre communication entre le mis en examen et son avocat

Le défaut de délivrance d’un permis de communiquer en temps utile met en cause la régularité du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention et donc celle de l’ordonnance rendue et du titre de détention qui en résulte.

par Lucile Priou-Alibert, Avocatele 1 avril 2021

En l’espèce, le 23 novembre 2020, une personne, mise en examen, avait sollicité en application de l’article 145 du code de procédure pénale que le débat devant le juge des libertés et de la détention soit différé. Dès le 24 novembre, son avocat sollicitait un permis de communiquer par télécopie. Il réitérait sa demande, selon les mêmes modalités, le lendemain. Le 26 novembre, jour du débat différé, le greffier du juge d’instruction lui indiquait par télécopie que son client n’étant pas encore en détention, il ne donnerait pas suite à sa demande de permis de communiquer.

Faute d’avoir pu communiquer avec son client et recueillir, avant l’audience, les éléments et pièces relatives aux garanties de représentation de son client, l’avocat choisissait de ne pas se présenter à l’audience devant le juge des libertés et de la détention. À celle-ci, le mis en examen acceptait de se faire assister par l’avocat de permanence et était placé en détention.

Un appel était formé à l’encontre de l’ordonnance du JLD. Devant la chambre de l’instruction, la question débattue était évidemment celle de la nullité du débat contradictoire en raison de la violation du principe de libre communication entre le mis en examen et son avocat. Alors qu’il est acquis que seules des circonstances insurmontables peuvent justifier l’absence de délivrance du permis de communiquer, la chambre de l’instruction a curieusement validé l’ordonnance rejetant les manquements sur l’avocat lequel n’avait pas répondu aux sollicitations du JLD, le jour du débat, ni déposé de mention de protestation, laissant le magistrat dans l’ignorance de la situation.

La censure des juges de cassation était attendue et elle est sans équivoque. Au visa des articles 6, § 3, de la Convention européenne droits de l’homme et 115 du code de procédure pénale, ils rappellent que la « délivrance d’un permis de communiquer entre une personne détenue et son avocat est indispensable à l’exercice des droits de la défense. Il en découle que le défaut de délivrance de cette autorisation à un avocat désigné, avant un débat contradictoire tenu en vue d’un éventuel placement en détention provisoire, fait nécessairement grief à la personne mise en examen. »

Les magistrats explicitent que « le fait que le mis en examen ait accepté d’être défendu par l’avocat de permanence lors du débat contradictoire ne permet pas d’écarter toute atteinte à ses droits. » Puis, ajoutant encore à leur décision, ils en précisent la portée dans les termes suivants : « Le défaut de délivrance du permis de communiquer en temps utile, met en cause la régularité du débat contradictoire et donc celle de l’ordonnance rendue et du titre de détention qui en résulte. »

Le principe de libre communication et sa portée sont désormais bien acquis en jurisprudence (V. not. Crim. 7 janv. 2020, n° 19-86.465 P, Dalloz actualité, 30 janv. 2020, obs. D. Goetz ; D. 2020. 85 ; AJ pénal 2020. 139, obs. J. Chapelle ; 13 févr. 2020, n° 13-87.545, AJ pénal 2020. 139 ). On rappellera qu’en la matière, il est primordial pour l’avocat de pouvoir s’entretenir avec son client en amont de l’audience devant le juge des libertés et la détention pour appréhender au mieux situation et recueillir les pièces utiles à justifier de ses garanties de représentation. Un entretien de quelques minutes avant l’audience est à cet égard dépourvu d’intérêt car il ne permet pas d’effectuer sereinement ce travail. On comprend dès lors la raison pour laquelle l’avocat choisi ne s’est pas présenté à l’audience faute de pouvoir défendre utilement son client. Il est donc heureux que dans cette espèce, la cour de cassation ait avec force rappelé ce principe élémentaire garant de l’exercice effectif des droits de la défense. On relèvera, pour conclure, que les arrêts ayant donné lieu à de telles cassations ont ceci de commun que les avocats avaient relancé le greffe à plusieurs reprises concernant la délivrance du permis de communiquer. On ne saurait donc que trop inciter les avocats à réitérer leur demande en ce sens quand elle n’est pas satisfaite immédiatement.