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Écrits diffamatoires produits en justice : seule la loi sur la presse fonde une réparation

Seules les dispositions spéciales prévues à l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse peuvent fonder une condamnation à des dommages-intérêts à raison d’écrits produits devant les tribunaux et de leur caractère prétendument diffamatoire, à condition que les passages litigieux soient étrangers à l’instance judiciaire.

Le 6 avril 2018, la Société Générale fit pratiquer, en vertu d’un acte de prêt notarié en date du 11 juin 2007, une saisie-attribution sur le compte bancaire de deux époux. Ces derniers contestèrent la saisie devant un juge de l’exécution. Celui-ci les débouta et les condamna en outre à verser à la banque une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive. La Cour d’appel d’Orléans confirma ce jugement. Dans leur pourvoi, les époux invoquaient, sur le fondement de l’article 6, § 1er, de la Convention européenne des droits de l’homme, le défaut d’impartialité de la cour d’appel, laquelle aurait statué en des termes de nature à faire peser un doute légitime sur l’existence d’un parti pris contre eux.

Accueillant le moyen, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel, estimant que la présentation faite par la cour d’appel des prétentions respectives des parties était bien de nature à faire peser un doute sur son impartialité. Et sur un moyen relevé d’office, elle tranche également la question – inédite – de savoir si une partie appelante peut être condamnée à des dommages-intérêts sur les fondements des articles 559 du code de procédure civile et 1240 du code civil à raison du contenu de ses écritures produites devant la cour d’appel.

L’existence d’un doute légitime sur l’impartialité de la cour d’appel

Sur le moyen tiré du défaut d’impartialité de la cour d’appel, la Cour de cassation ancre son raisonnement dans la jurisprudence européenne qui opère une subtile distinction entre impartialité subjective (résultant de ce que le juge pense en son for intérieur) et objective (résultant des garanties offertes dans le cadre de la procédure pour exclure tout doute légitime).

Ce faisant, elle relève que, dans les motifs de l’arrêt d’appel, les thèses des parties sont analysées selon des méthodes différentes (celle de la banque étant présentée avec neutralité, et celle des débiteurs étant « ponctuée d’expressions révélant une appréciation subjective de leur cause et traduisant des jugements de valeur »). Elle en déduit qu’une telle présentation est « de nature à faire peser un doute légitime sur...

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