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Effets de l’ouverture de la procédure d’insolvabilité sur une instance en cours en France

En vertu des dispositions de l’article 18 du règlement (UE) n° 2015/848 du 20 mai 2015 relatif aux procédures d’insolvabilité ainsi que des principes édictés en droit français par les articles L. 622-21, I (arrêt des poursuites individuelles) et L. 622-22 du code de commerce (interruption des instances en cours), l’instance en cours en France est interrompue en cas d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité sur le territoire d’un autre État membre. Sa reprise demeure subordonnée à la déclaration de la créance du créancier poursuivant au passif de la procédure d’insolvabilité étrangère. L’instance ainsi reprise ne peut alors tendre qu’à la fixation du montant de la créance.

L’effet de l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité sur les instances en cours constitue une question traditionnelle en droit de l’insolvabilité internationale et les difficultés posées en la matière ont déjà justifié l’intervention de la Cour de cassation à diverses reprises (v. not., pour la période récente, Com. 13 déc. 2023, n° 22-17.464, Rev. sociétés 2024. 206, obs. L. C. Henry ; Gaz. Pal. 19 mars 2024, n° GPL460s8, p. 58, note G. C. Giorgini ; LEDEN févr. 2024, n° DED202d6, note G. C. Giorgini ; adde, dans l’hypothèse particulière de l’insolvabilité d’une compagnie d’assurance, Com. 13 déc. 2023, n° 21-21.047, Dalloz actualité, 26 janv. 2024, obs. G. C. Giorgini ; Gaz. Pal. 19 mars 2024, n° GPL460s9, note G. C. Giorgini ; RGDA mars 2024, n° RGA201s4, note G. Parleani).

L’arrêt commenté témoigne des difficultés rencontrées par les juges nationaux dans l’application des règles de conflits du règlement (UE) n° 2015/848 du 20 mai 2015 (Règlement européen insolvabilité ou REI) et des dispositions matérielles du droit des entreprises en difficulté national alors que l’on aurait pu croire que les solutions étaient désormais stabilisées en la matière.

En l’espèce, le distributeur local portugais d’une grande marque de cosmétiques avait été condamné en France au paiement de diverses factures impayées. Cependant, postérieurement à l’appel interjeté, une procédure collective avait été ouverte à son bénéfice au Portugal et le praticien de l’insolvabilité désigné était intervenu volontairement à la procédure pendante en France. La décision de condamnation ayant été confirmée en appel, le débiteur et le praticien étranger avaient formé un pourvoi en cassation.

Les auteurs du pourvoi reprochaient essentiellement à la décision des juges du fond une violation de la loi. Plus particulièrement, ils soulignaient qu’en vertu des dispositions du REI, les effets de l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité sur le territoire d’un État membre sur une instance en cours sur le territoire d’un autre État membre sont régis exclusivement par la loi de l’État membre où l’instance est en cours. Par conséquent, la cour d’appel aurait dû faire application du droit français lequel prévoit que l’instance en cours est interrompue en cas d’ouverture d’une procédure collective et ce jusqu’à ce que le créancier poursuivi ait accompli diverses formalités.

Après avoir rappelé les dispositions de l’article 18 du REI (effets de l’ouverture de la procédure d’insolvabilité sur les instances en cours) ainsi que les principes édictés en droit français par les articles L. 622-21, I (arrêt des poursuites individuelles) et L. 622-22 du code de commerce (interruption des instances en cours), la Cour de cassation confirme que l’instance en cours devant la cour d’appel aurait dû être interrompue, sa reprise demeurant subordonnée à la déclaration de la créance du créancier poursuivant au passif de la procédure d’insolvabilité portugaise. De plus fort, l’instance ainsi reprise n’aurait dû tendre qu’à la fixation du montant de la créance, une condamnation au paiement étant désormais exclue.

L’arrêt est tout logiquement cassé.

Exception à l’application de la lex fori concursus

L’ouverture d’une procédure d’insolvabilité soulève deux difficultés lorsqu’une instance est en cours sur le territoire d’un autre État. D’abord, le périmètre de vis attractiva concursus – ce principe traditionnel de prorogation matérielle de compétence en vertu duquel le tribunal saisi d’une procédure collective connaît de tout ce qui la concerne – doit être déterminé (sur cette question, v. not., P.-M. Le Corre [dir.], Droit et pratique des procédures collectives 2025-2026, 13e éd., Dalloz Action, 2024, n° 093.71 ; adde, R....

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