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« EGALIM 3 » : le droit des relations commerciales réformé à tâtons (Deuxième partie : l’encadrement accru des pénalités logistiques)

La loi n° 2023-221 du 30 mars 2023 tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, souvent désignée « Egalim 3 » pendant la discussion parlementaire, a été publiée au Journal officiel du 31 mars. Elle poursuit plusieurs objectifs déjà présents dans les lois Egalim 1 et 2, mais s’en démarque par un recentrage sur les produits de grande consommation, plutôt que sur les produits alimentaires. Au programme, le rééquilibrage des négociations commerciales, l’accroissement des règles relatives aux pénalités logistiques, la répartition de la valeur au cours de la chaîne de distribution et l’application du droit français aux centrales d’achat internationales. Après avoir examiné les changements apportés aux négociations commerciales (Première partie), il faut envisager de nouvelles règles concernant les pénalités logistiques.

L’encadrement accru des pénalités logistiques

Les pénalités contractuelles sont propices aux abus. On se souvient que c’est la clause pénale qui avait donné lieu à la première réaction du législateur dans le droit commun du contrat, afin de lutter contre les pratiques constatées dans les contrats de crédit-bail, avant l’instauration de règles protectrices des consommateurs. De telles clauses présentent assurément une utilité dans les relations commerciales, en ce qu’elles incitent à une parfaite exécution du contrat. Elles sont ainsi perçues comme une garantie de la conformité des livraisons, enjeu fondamental pour les distributeurs qui souhaitent assurer la disponibilité des produits pour maintenir les volumes de commercialisation. Néanmoins, les pénalités logistiques sont également devenues un levier pour les distributeurs, à la fois en accentuant le pouvoir exercé sur les fournisseurs et, sur le plan financier, en permettant de recréer des « marges arrière »1.

La pratique des pénalités logistiques avait conduit à deux interventions du législateur : d’abord avec la loi ASAP, qui avait recréé une pratique restrictive spécifique2 ; ensuite, et surtout, avec la loi Egalim 23, qui avait intégré une réglementation parcellaire, laissant subsister de nombreuses questions4 que la récente FAQ publiée par la DGCCRF n’a que partiellement réglées. Cela n’a pas empêché la DGCCRF de procéder à des injonctions de mise en conformité à l’automne 2022 en application de ces textes. La loi n° 2023-221 du 30 mars 2023 complète les règles issues de la loi Egalim 2 à deux niveaux : en amont, en créant une convention logistique distincte ; en aval, en renforçant le contrôle des pénalités logistiques.

Autonomisation des obligations logistiques

L’article 11 de la loi du 30 mars 2023 ajoute un I bis à l’article L. 441-3 du code de commerce. Ce texte, intégré au cours de la discussion en commission au Sénat, poursuit l’objectif de dissocier la convention tarifaire de la signature de l’annexe logistique5. À cette fin est créée une nouvelle convention écrite, propre aux obligations logistiques, qui s’ajoute à la « convention unique » de l’article L. 441-3, sans pour autant accéder à une parfaite autonomie.

Exigence d’une convention logistique. L’article L. 441-3, I bis, dissocie formellement les « obligations réciproques en matière de logistique auxquelles s’engagent le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de service » de la convention écrite de l’article L. 441-3 du code de commerce. En effet, celle-ci ne vise pas expressément les obligations logistiques mais, plus généralement, les « services de coopération commerciale » ou « les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et le distributeur »6. Pas plus que dans les textes déjà en vigueur relatifs aux pénalités logistiques7, le législateur n’a pris la peine de définir le terme « logistique », lequel demeure sujet aux mêmes incertitudes. Au sens général, la logistique comprend « l’ensemble des opérations permettant de réaliser la distribution physique des marchandises, tant pour assurer l’approvisionnement de l’entreprise que pour livrer ses produits à sa clientèle »8 et inclut donc des tâches matérielles et intellectuelles. Mais aussi bien les « services de coopération commerciale »9 que les obligations « destinées à favoriser la relation commerciale » pouvaient inclure diverses prestations relevant de la logistique. La CEPC rappelait que la convention devait définir le « schéma logistique » retenu, précisant les obligations du fournisseur et du distributeur10. Cette question suscitera des difficultés de délimitation, qui se répercuteront au stade de l’application des pénalités logistiques.

Le législateur aurait pu se contenter d’ajouter à la liste des obligations devant figurer dans la convention écrite les obligations logistiques et leurs sanctions, ainsi extraites des catégories englobantes des services commerciaux. Il a toutefois opté pour une solution plus radicale, puisque ces obligations devront figurer dans une convention écrite distincte, indiquant notamment le montant des pénalités logistiques et les modalités de détermination de ce montant. Il faudra sans doute cesser de désigner la convention de l’article L. 441-3 par l’expression « convention unique » et préférer celle de « convention récapitulative » ou, peut-être, de « convention principale » ou « convention générale » qui s’opposerait à des « conventions particulières », dont la convention logistique serait la première variété. Quoi qu’il en soit, si les parties entendent prévoir des pénalités logistiques, les négociations commerciales devront donner lieu à la conclusion de deux conventions distinctes, même si leur dissociation ne suffit pas à effacer le lien qui les unit.

Régime de la convention logistique. En dehors de sa dissociation formelle, la convention logistique visée par le nouvel article...

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