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Égalité de traitement : la religion d’un médecin

Le licenciement d’un médecin travaillant dans un hôpital catholique au motif qu’il s’est remarié sans que son premier mariage ait été annulé peut constituer une discrimination fondée sur la religion dès lors que cette sanction ne serait pas intervenue s’il n’avait pas été catholique.

par Nicolas Nalepale 17 septembre 2018

Monsieur J… est de confession catholique. Il travaillait en tant que chef de service d’un hôpital soumis au contrôle de l’archevêque de Cologne (Allemagne), et cela aux termes d’un contrat conclu sur le fondement d’un règlement applicable au service ecclésial dans le cadre des relations de travail au sein de l’Église.

Selon ce règlement, la conclusion d’un mariage invalide selon le droit canonique par un employé catholique exerçant des fonctions d’encadrement constitue une violation grave de ses obligations de loyauté justifiant son licenciement. Ainsi, lorsque l’employeur de monsieur J… a appris qu’il s’était remarié civilement sans que son premier mariage ait été annulé, il appliqua aussitôt cette sanction.

Devant les juridictions allemandes, monsieur J… prétendait que son licenciement violait le principe d’égalité de traitement puisque, conformément au règlement déjà énoncé, le remariage d’un chef de service d’une autre confession ou sans confession n’aurait eu aucune conséquence professionnelle. Pour son employeur cependant, il avait manqué de manière caractérisée aux obligations découlant de son contrat de travail.

Finalement saisie, la Cour fédérale du travail décidera de surseoir à statuer pour demander à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’interpréter l’article 4 de la directive égalité de traitement, lequel aborde notamment le cas particulier des « activités professionnelles d’églises et d’autres organisations publiques ou privées dont l’éthique est fondée sur la religion ou les convictions » (dir. 2000/78/CE du Conseil, 27 nov. 2000, art. 4 ; v. déjà CJUE, gr. ch., 17 avr. 2018, Egenberger, aff. C-414/16, Dalloz jurisprudence).

En guise de réponse, la CJUE affirme d’abord que les exigences d’attitude de bonne foi et de loyauté requises par une église – ou, comme en l’espèce, une organisation dont l’éthique est fondée sur la religion ou les convictions – doivent pouvoir faire l’objet d’un contrôle juridictionnel effectif. À cet égard, une différence de traitement en fonction de la confession de leurs employés ne saurait prospérer « que si, au regard de la nature des activités professionnelles concernées ou du contexte dans lequel elles sont exercées, la religion ou les convictions constituent une exigence professionnelle essentielle, légitime et justifiée eu égard à ladite éthique » (point 55).

L’exigence dont il est question dans cette affaire tient au caractère sacré et indissoluble du mariage religieux. Or la CJUE relève que « l’adhésion à cette conception du mariage n’apparaît pas nécessaire pour l’affirmation de l’éthique [de l’employeur de monsieur J…] compte tenu des activités professionnelles exercées par [ce dernier], à savoir la fourniture, dans le milieu hospitalier, de conseils et de soins médicaux ainsi que la gestion du service de médecine interne dont il était le chef » (point 58). Elle ne saurait ainsi constituer une exigence professionnelle « essentielle » ni même « justifiée » dans la mesure où aucun « risque probable et sérieux d’atteinte à son éthique ou à son droit à l’autonomie » n’a été établi par cette organisation (point 60). Il appartiendra in fine au juge national d’infirmer ou de confirmer ces dernières indications.