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Emmanuel Macron lance les États généraux de la Justice

Le quinquennat d’Emmanuel Macron a commencé par les chantiers de la Justice ; il se termine par les États généraux de cette même Justice, lancés hier par le président de la République, dans un discours au Futuroscope.

par Pierre Januelle 19 octobre 2021

Dans notre mythologie républicaine, en appeler aux États généraux c’est en appeler aux Français. Des Français sévères avec la justice si on en croit le film et les tables rondes qui ont précédé le discours. Ainsi Gwendoline qui a porté plainte pour viol après vingt-sept ans d’amnésie traumatique aurait voulu être reçue par le procureur au moment du classement sans suite. Annie, une grand-mère que sa fille ne veut plus voir, a lancé une procédure pour avoir un droit de visite de ses petits-enfants. Le juge lui a donné raison, mais elle se plaint d’une procédure de trois ans où elle n’a jamais été reçue. Face à des juges qui demandent plus de moyens, les citoyens demandent plus de justice.

Pour commencer son discours, Emmanuel Macron rappelle que « dans tous les domaines il faudra agir jusqu’au dernier quart d’heure » de son mandat. Il commence par un rappel des différentes réformes menées et les augmentations budgétaires. Mais les États généraux doivent être l’occasion de « réarborder dans un esprit de système tant de sujets qui se tiennent » et doivent provoquer un débat dans toute la société. Des débats auront lieu partout sur le territoire et sur la plateforme « Parlons justice ».

Il ne faudra s’interdire aucun champ, aucun sujet. Il s’agira de trancher « des débats ignorés, voir interdit, y compris si cela bouscule ». Des États généraux qui devront être libres, ouverts et indépendants. La consultation durera jusqu’à fin novembre. Jusqu’à mi-janvier des groupes d’experts traiteront les remontées. Enfin, fin février le comité d’expert indépendant de douze personnes, présidé par Jean-Marc Sauvé, remettra sa synthèse.

Restaurer le pacte Nation-Justice

Sans préempter le débat, le président de la République a tracé des lignes. Pour lui, le premier grand enjeu sera la « restauration du pacte civique entre la Nation et la justice ». Outre la relance du débat sur l’indépendance du parquet, il souhaite aussi avancer sur une plus grande responsabilité des magistrats. Le récent avis remis par le CSM « offre des pistes qui méritent d’être éclairées, voire retenues ».

Il pose aussi certaines questions : faut-il maintenir la singularité d’un corps unique ? Notre modèle d’instruction est-il efficace et porteur de confiance ? Faut-il faire évoluer l’office et le périmètre du juge ? La justice est aussi confrontée aux réseaux sociaux : comment juger à l’ère de #Metoo ? Autre défi, celui de la pénalisation des relations sociales, qui concerne les fonctionnaires, les soignants, les directeurs d’école mais également les élus,… « Ce mouvement orchestré par des citoyens souvent devenus procureurs a gagné de plus en plus de champs ». Quelles réponses peut apporter la justice à ces deux grandes évolutions ? Emmanuel Macron insiste sur le fait que des responsables aient été cités pour la gestion d’une crise encore en cours. « Nous sommes loin de l’apaisement et de l’équilibre ». Une situation « qui met en tension l’autorité judiciaire avec les autres pouvoirs ».

Pour le président, il faut redéfinir la responsabilité politique (« c’est parce que le monde politique a perdu la culture de la responsabilité envers les citoyens que s’exerce la recherche d’autres formes de responsabilité ») et la responsabilité des fonctionnaires, élus et ministres. Une réforme qui ira plus loin qu’une simple suppression de la Cour de justice de la République : « jamais nous ne devons rendre impossible la décision publique », ni « enlever au peuple les choix qui doivent être les siens ».

Il a également ouvert un nouveau chantier sur la transparence des collectifs de justice (cour, tribunal ou service) sur l’utilisation des moyens alloués.

Restaurer l’efficacité du service public de la justice

Le second enjeu sera de restaurer l’efficacité du service public de la justice, avec un triptyque effectivité, lisibilité et ouverture vers la société. La question des délais et de l’afflux de nouvelles affaires a été posée. S’il a souligné que « toute complexité et formalisme éloigne les plus vulnérables de notre justice », il propose de réfléchir à d’autres modes de justice, sans exclure de déjudiciariser certains champs. Il faudra être « plus audacieux et plus radicaux ». Il propose aussi que les magistrats fassent des mobilités pour gagner en compétence et en technique (à l’instar des magistrats administratifs) et de les entourer d’équipes. Il faut enfin réfléchir sur l’effectivité des peines.

Sur la lisibilité, il a critiqué l’inflation normative, comme si la prolifération des normes ne venait que de contraintes extérieures au gouvernement. Il faudra une « réflexion en profondeur sur le rôle du Parlement et du gouvernement en la matière », avec une réforme constitutionnelle à la clé. Il a également critiqué la lisibilité des codes existants, et rappelé que le Beauvau de la sécurité s’était conclu par une promesse de réécrire le code de procédure pénale. Il souhaite également faciliter le suivi des dossiers par le justiciable.

Sur l’ouverture vers la société, il reprend l’idée d’ouvrir l’École nationale de la magistrature et de favoriser les passerelles vers la magistrature.

Enfin, le président de la République a conclu son discours par une défense du dialogue des juges au niveau européen, pour se démarquer des récents propos de plusieurs candidats à la présidentielle. Les États généraux sont lancés. La campagne aussi.

 

Les membres du comité d’experts: 

  • Jean-Marc Sauvé président
  • Chantal Arens, première présidente de la Cour de cassation
  • François Molins, procureur général près la Cour de cassation
  • François-Noël Buffet et Yaël Braun-Pivet, présidents des commissions des lois du Sénat et de l’Assemblée
  • Linos-Alexandre Sicilianos, ancien président de la Cour européenne des droits de l’homme
  • Jérôme Gavaudan, président du CNB
  • Henri Leclerc, avocat
  • Bénédicte Fauvarque-Cosson et Christian Vigouroux, membres du Conseil d’État
  • Christophe Jamin, Professeur des universités à l’École de droit de Sciences Po
  • Yves Saint-Geours, membre du CSM

Les groupes de travail :

  • Justice civile
  • Justice pénale
  • Justice de protection
  • Justice pénitentiaire et de réinsertion
  • Pilotage des activités judiciaires
  • Évolution des missions et des statuts