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En matière gracieuse, les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectués par voie électronique dans les conditions techniques fixées par l’arrêté du 20 mai 2020.
La communication par voie électronique (CPVE) retient souvent l’attention de la Cour de cassation mais c’est surtout – pour ne pas dire seulement – la matière contentieuse qui a suscité de la jurisprudence jusqu’alors. L’arrêt rendu par la deuxième chambre civile le 4 avril 2024 est donc particulièrement intéressant – et bienvenu – puisqu’il affirme que la CPVE est praticable « en matière gracieuse », en appel, car les « tuyaux » et le cadre juridique sont présents. Le message de l’arrêt aurait encore gagné en pédagogie s’il avait visé d’une part, la procédure gracieuse et, d’autre part, pas seulement la procédure d’appel.
Une société civile immobilière, non inscrite au registre du commerce et des sociétés (RCS) saisit, par requête, le président d’un tribunal judiciaire : s’estimant victime d’une « erreur manifeste », elle demande qu’il soit jugé qu’elle est inscrite au (RCS) depuis le 29 avril 1948, qu’il soit ordonné au greffier du Tribunal de commerce de Nice de rétablir cette inscription depuis cette date et, en tant que de besoin, qu’il soit fait mention de la décision à intervenir en marge de l’inscription au registre et sur l’extrait Kbis de la société.
Le 27 janvier 2021, le président du tribunal judiciaire rejette la requête de la société, puis, le 16 février 2021, refuse de rétracter sa décision et la société « interjette appel » (selon une formulation peu rigoureuse, v. infra). Le 10 mars 2021, le greffe de la cour d’appel invite l’appelante à motiver son appel. Le 8 avril 2021, la société transmet à la cour, par le réseau privé virtuel avocat (RPVA), des conclusions d’appel.
Le 18 novembre 2021, la cour d’appel confirme l’ordonnance jugeant que l’appelante « n’a présenté aucun moyen » et qu’elle « n’a pas motivé les raisons de son appel ».
La société se pourvoit en cassation : la troisième branche de son moyen reproche à la juridiction du second degré une violation des articles R. 123-141 du code de commerce, 748-1, 748-6 et 953 du code de procédure civile, ensemble l’article 2 de l’arrêté du garde des Sceaux du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel », dès lors que, « en toute hypothèse, en matière gracieuse, les conclusions du requérant peuvent être transmises par son avocat par voie électronique à la cour d’appel ».
La Cour de cassation casse l’arrêt au visa des textes invoqués par le pourvoi, dont elle rappelle la teneur.
Elle en déduit « qu’en matière gracieuse, les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectués par voie électronique par le biais du "réseau privé virtuel avocat" dans les conditions techniques fixées par l’arrêté susvisé ». Comme « la société avait communiqué ses conclusions au greffe par voie électronique et qu’elle en produisait l’avis de réception, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Procédure gracieuse
Nature gracieuse ?
Strictement entendue, la formule « comme en matière gracieuse » signifie que la matière est contentieuse mais que la procédure gracieuse est suivie. De fait, la matière des inscriptions au registre du commerce et des sociétés est en général contentieuse (C. com., art. R. 123-139), mais l’appel est soumis à la procédure gracieuse (C. com., art. R. 123-141, « l’appel des ordonnances est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse selon les dispositions des articles 950 à 953 du code de procédure civile » – avec la particularité que « la partie est dispensée du ministère d’avocat »).
Ainsi, dans un cas où le juge chargé de la surveillance du RCS avait enjoint à un commerçant de demander son inscription audit registre, il a été jugé...
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Auteur(s) : Serge Guinchard