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En Turquie, des avocats enfermés
En Turquie, des avocats enfermés
Les avocats turcs Ramazan Demir et Ayse Acinikli sont emprisonnés depuis le 6 avril pour avoir exercé leur métier. Si la situation n’est pas nouvelle, elle empire. Tout défenseur des libertés peut, dans le pays, subir une répression arbitraire de la part d’Ankara. Le barreau de Paris et le Conseil national des barreaux saisissent l’ONU.
par Julien Mucchielli, journalistele 22 avril 2016
Il se trouve qu’un avocat vient de faire condamner son pays, et que cet avocat est en prison. Un total de 115 000 €, attribués le 16 avril par le tribunal administratif numéro 4 d’Istanbul, à un jeune homme victime de violences policières. L’avocat est placé à l’isolement depuis le 7 avril, à la prison de Silivri en Turquie. Il est au courant de cette décision.
Avant d’être arrêté et placé en détention provisoire, Me Ramazan Demir a semé des procédures un peu partout. Au moins 24 requêtes qu’il a rédigées entre le 22 mars et le 6 avril, jour de son arrestation, ont atterri sur les bureaux de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et des dizaines d’écritures que ses confrères plaideront devant les juridictions turques s’il reste enfermé. « C’est ubuesque, il va être partout », s’amuse l’avocate Rusen Aytac, du barreau de Paris. C’est un peu pour cela que Ramazan Demir courrouce tant le pouvoir, cette obsession de la défense pénale, cette manie de les « défendre tous », même les Kurdes du PKK, mais aussi tous ceux qui, globalement, ont à pâtir d’une dérive autoritaire de plus en plus évidente.
Ils sont 500 avocats en Turquie actuellement poursuivis. Que les trublions des libertés titillent Ankara, ce n’est pas nouveau, mais la situation se dégrade. « Ça n’évolue pas, on continue de menacer les confrères, la répression perdure et j’ai même l’impression que ça empire », estime Richard Sédillot, vice-président de la commission internationale du Conseil national des barreaux et défenseur de nombreux avocats persécutés de par le monde. En Turquie comme en Chine, en Iran, en Mauritanie, tous ceux que les droits de l’homme ou le sort des minorités intéressent sont visés, surveillés, écoutés, harcelés, emprisonnés. Et pour certains, assassinés, comme Me Tahir Elçi, chantre de la cause kurde et bâtonnier de la ville de Diyarbakir, abattu le 28 novembre 2015, par un tireur non identifié. En général, les professions persécutées sont les journalistes, les intellectuels, les avocats, les médecins : ceux dont la profession est régie par le secret et qui détiennent des informations hors de portée des autorités. Hors des limites de la démocratie, cette situation insupporte le pouvoir.
Arrêtés à l’aube
C’est pour cela que Ramazan Demir est arrêté le 16 mars à l’aube avec huit de ses confrères, ils sont tous membres de l’association des avocats pour la liberté (OHD). Longue garde à vue, domiciles perquisitionnés lors d’une opération anti terrorisme. Ils sont tous mis en cause pour une supposée association à une organisation illégale entre 2011 et 2014. Les charges sont floues, personne n’a accès au dossier. « Jusqu’ici, les avocats de Ramazan n’ont eu accès qu’aux minutes du procès », rapporte Rusen Aytac. Les avocats sont interrogés sur des propos tenus dans les médias et doivent répondre à des questions telles que : « êtes-vous déjà allé dans une prison ? », « avez-vous déjà été en garde à vue ou en détention provisoire ? », « avez-vous de la famille en prison ? » ou « qu’en est-il des dispositions légales qui régissent les visites en prison ? ». Ramazan Demir est poursuivi pour «...
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