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Les enjeux juridiques des JO de Paris 2024 – Épisode 4 – Les atteintes à la probité dans le cadre des Jeux olympiques (anti-corruption, sponsoring, cadeaux et invitations)

À l’occasion des Jeux olympiques de Paris 2024, le cabinet VIGO, en partenariat avec Dalloz actualité, vous propose une série d’articles consacrés aux problématiques juridiques rencontrées dans le cadre de cet événement. Au programme, les questions juridiques et réglementaires essentielles liées à l’organisation des Jeux olympiques, notamment les enjeux RSE pris en compte dans l’organisation, la lutte contre le dopage, les atteintes à la probité, et l’impact environnemental. Quatrième épisode : Les atteintes à la probité dans le cadre des Jeux olympiques (anti-corruption, sponsoring, cadeaux et invitations)

« En tant que valeur, le sport suppose une compétition non biaisée où les résultats ne se fondent que sur le mérite et la performance. Il est attendu des sportifs un comportement exemplaire, exempt de tricherie, et de tout comportement qui fausserait le résultat d’une compétition saine. Il est légitime d’attendre la même exemplarité des organisations qui participent au monde du sport ». C’est en ces termes que la directrice des sports, Fabienne Bourdais, introduisait le guide de l’Agence française anti-corruption (AFA) sur la prévention des atteintes à la probité à destination des fédérations sportives publié le 21 juillet 2022.

L’exemplarité éthique dans l’organisation Jeux olympiques de Paris fait l’objet d’un large consensus au sein des parties prenantes depuis la phase de candidature de la ville de Paris. Cette exemplarité est d’autant plus nécessaire au regard des enjeux financiers croissants du secteur sportif, vecteurs de comportements infractionnels. Il est vrai que les revenus générés par ces évènements sportifs de grande ampleur sont de nature à inciter les parties en présence à proposer ou à accepter certains avantages en vue d’influer sur une décision tendant à l’attribution d’un contrat rémunérateur ou assurant une certaine visibilité.

C’est notamment en ce sens qu’une résolution du Conseil de l’Europe adoptait des lignes directrices sur la bonne gouvernance et l’éthique dans le sport, afin de veiller au respect de la démocratie et de l’État de droit auxquels portent atteinte les manquements à la probité dans le secteur sportif, que ce soit au moyen de faits de corruption, de trafic d’influence, de favoritisme, de prise illégale d’intérêts, de détournement de fonds publics ou de blanchiment (Résolution 1875, 2012).

Historiquement, des affaires de corruption ont terni l’image des Jeux olympiques. En novembre 2021, l’ancien président du Comité olympique brésilien et du Comité d’organisation des Jeux olympiques de Rio 2016 a été condamné par la justice brésilienne à une peine de trente ans et onze mois de prison pour corruption, organisation criminelle, blanchiment d’argent et évasion fiscale en raison de son rôle dans le transfert de fonds en échange de voix pour l’attribution des Jeux olympiques de 2016. Dans une affaire similaire, le président du Comité olympique japonais a été mis en examen en décembre 2018, pour corruption active dans le cadre de l’attribution des Jeux de Tokyo 2020. Il est indéniable que « ces actes criminels ont abîmé la confiance de la société dans le bon déroulement des Jeux », déclarait le juge japonais Kenji Yasunaga dans une affaire liée à ce scandale.

Il en découle une exigence de probité renforcée, laquelle se matérialise tant au niveau des sportifs, à travers la lutte contre le dopage, que des organisations sportives. Les risques s’avèrent plus divers au niveau des organisations sportives et des entreprises, ce qui appelle la mise en place de mesures de prévention et d’atténuation des risques d’atteintes à la probité.

Les risques d’atteintes à la probité dans le cadre des Jeux olympiques

Les risques intrinsèques aux conditions d’attribution des marchés publics

Dès 2021, deux rapports de l’AFA sur l’organisation des Jeux olympiques de Paris 2024 pointaient des « risques d’atteintes à la probité » et de « conflits d’intérêts » en visant le Comité d’organisation des Jeux olympiques (COJOP), constitué sous la forme d’une association relevant de la loi du 1er juillet 1901, et la Société de livraison des ouvrages olympiques (SOLIDEO), établissement public industriel et commercial. Ces rapports de l’AFA estiment que le cadre mis en place n’est pas « à la hauteur des enjeux et des risques encourus ». À cet égard, les engagements et procédures seraient trop imprécis pour prévenir les risques de conflits d’intérêts, notamment en matière d’achats. À titre d’exemple, les modalités de publicité pour les achats « supérieurs à 40 000 € et inférieurs à 90 000 € » ne garantiraient pas « le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence ». Le rapport évoque notamment le cas d’un ancien directeur de campagne de la candidature Paris 2024 ayant monté une société et qui a obtenu un marché soupçonné d’avoir été divisé pour que les montants échappent à l’obligation légale de publicité. En réponse, le COJOP et la SOLIDEO ont émis des observations et ont avancé sur les recommandations formulées par l’AFA.

Le statut d’association du COJOP n’entraîne pas automatiquement l’absence d’application des articles régissant le code des marchés publics. Au regard du « lien de dépendance étroite du COJO à l’égard de l’État et de la ville de Paris, de nature à permettre à ces derniers d’influencer ses décisions notamment en matière de passation des marchés », le COJOP doit être regardé comme un « pouvoir adjudicateur au sens de l’article L. 1211-1 du code de la commande publique » (TA Montreuil, 16 nov. 2022, no 2207258 ; Guide AFA sur la prévention des atteintes à la probité à destination des opérateurs du ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques, p. 76). En ce sens, l’article 7 du code d’éthique du COJOP rappelle qu’il doit respecter les règles de la commande publique lors de la passation des contrats qu’il conclut avec des prestataires.

En effet, « les marchés publics constituent pour les pouvoirs publics un domaine d’activité économique...

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