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Article
Entente et compétence dans l’Union européenne en cas de co-défendeurs
Entente et compétence dans l’Union européenne en cas de co-défendeurs
Saisie d’une affaire dans laquelle un cessionnaire de créances entendait agir contre des entreprises sanctionnées par la Commission européenne pour entente, la Cour de justice interprète, dans un arrêt d’une grande richesse, les dispositions du règlement Bruxelles I relatives au principe de concentration des compétences (art. 6, § 1er), à la détermination de la juridiction compétente en matière délictuelle (art. 5, § 3) et à la portée des clauses attributives de compétence (art. 23).
Les faits
Par une décision 2006/903/CE du 3 mai 2006, la Commission européenne a constaté que diverses entreprises avaient violé l’interdiction des ententes visée à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE. L’infraction a consisté principalement en l’échange d’informations importantes et confidentielles sur les marchés et/ou les entreprises, en une limitation et/ou en un contrôle de la production, en une répartition des parts de marché et des clients et en une fixation et une surveillance des prix dans le cadre de réunions et d’entretiens téléphoniques multilatéraux et/ou bilatéraux qui avaient eu lieu de façon plus ou moins régulière en Belgique, en Allemagne et en France essentiellement.
À la suite de cette décision, des accords de cession de créances indemnitaires ont été conclus entre certaines victimes de l’entente et une société cessionnaire, de droit belge, qui a agi en justice, devant une juridiction allemande, contre les sociétés auteurs de l’infraction, dont l’une avait son siège en Allemagne et dont les autres avaient leur siège dans cinq États membres différents, autres que l’Allemagne.
Suite à une transaction, la société demanderesse s’est désistée de son action à l’encontre de la société défenderesse allemande.
Compte tenu du fait que les sociétés défenderesses restantes n’avaient pas leur siège en Allemagne, la question de la compétence de la juridiction allemande saisie a alors été soulevée, et ce de trois points de vue, dans le cadre du règlement – dit Bruxelles I - n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.
L’interprétation de l’article 6, § 1er
Pour la clarté des développements, il est utile de rappeler que l’article 2 du règlement prévoit que, par principe, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. L’article 5 du règlement prévoit par ailleurs des options de compétence propres à certaines matières, notamment en matière contractuelle et délictuelle. Et l’article 6, § 1er, ajoute qu’une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre État membre « s’il y a plusieurs défendeurs, devant le tribunal du domicile de l’un d’eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ». L’objectif de cet article 6, § 1er, est de permettre une concentration de la compétence dans l’hypothèse où il existe une pluralité de défendeurs, cette concentration ne pouvant qu’être bénéfique puisqu’elle évite les inconvénients qui apparaitraient si les défendeurs devaient être assignés devant des juridictions d’Etats membres différents et en particulier le risque que ces juridictions prononcent des décisions peu harmonieuses.
Dans l’affaire jugée le 21 mai 2015, la Cour de justice était amenée à se prononcer sur la difficulté suivante : l’article 6, § 1er, peut-il s’appliquer à l’égard d’une action visant à la condamnation à titre solidaire à des dommages et intérêts et, dans le cadre de celle-ci, à la production de renseignements, d’entreprises qui ont participé de façon différente, sur les plans géographique et temporel, à une infraction unique et continue à l’interdiction des ententes prévue par le droit de l’Union constatée par une décision de la Commission, et cela même lorsque le demandeur s’est désisté de son action à l’égard du seul des codéfendeurs qui est domicilié dans l’État membre du siège de la juridiction saisie ?
L’arrêt rapporté répond à cette question de façon positive, en considérant qu’il était prévisible, pour les défendeurs, qu’ils risquaient d’être attraits dans l’Etat membre où au moins l’un d’entre eux avait son domicile, ne serait-ce qu’en raison de l’existence de la décision de la Commission européenne qui avait constaté l’existence d’une infraction au droit de la concurrence (arrêt, pts 23 et 24).
Après avoir énoncé ce principe, la Cour de justice formule toutefois une réserve : il n’en serait plus ainsi si était établie l’existence d’une collusion entre le demandeur et le...
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