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Épuisement des droits et prérogatives du titulaire de la marque – cas du reconditionnement de médicaments

Le 17 novembre 2022, plusieurs arrêts ont été rendus par la Cour de justice qui, malgré le lien existant entre les faits et les questions préjudicielles posées, a décidé de ne pas joindre ces affaires. Il s’agit ici de revenir sur ces trois arrêts, traitant de la pratique du reconditionnement de médicament par des importateurs parallèles dans de nouveaux emballages et des prérogatives du titulaire de la marque en de telles circonstances.

L’importation parallèle consiste à commercialiser un produit importé d’un État vers un autre État, et ce, en dehors du circuit de distribution du fabricant originaire. Ce procédé a pour but évident de permettre d’obtenir un avantage économique en achetant un produit moins cher dans un État pour le commercialiser à plus haut coût dans un autre. Cette pratique, qui permet en quelque sorte de détourner un produit de son circuit habituel, est néanmoins autorisée en ce qu’elle est conforme au principe de libre circulation des marchandises posé par les articles 34 et 36 du TFUE. Ces produits ainsi importés font, généralement, l’objet d’un reconditionnement par l’importateur parallèle, qui, par un nouvel emballage ou un réétiquetage, ajoute sur ces derniers son nom, ses informations et ses propres signes distinctifs. L’on comprend aisément en quoi l’importation parallèle peut mettre en difficulté les titulaires de marque qui, quant à eux, sont sujets à l’épuisement de leur droit lors de la première mise sur le marché de l’Union européenne de leur produit. En effet, ceux-ci ne peuvent plus interdire l’usage de leur marque pour les produits qu’elle désigne postérieurement à leur mise sur le marché par eux ou avec leur consentement (art. 15, § 1, du règl. (UE) 2017/1001 sur la marque de l’Union européenne). Néanmoins, les titulaires ne sont pas totalement désarmés et peuvent, sous certaines conditions, être restaurés dans leur droit à s’opposer à l’usage de leur signe pour leurs produits ainsi mis sur le marché (art. 15, § 2, du règlement (UE) 2017/1001).

La Cour de justice a, au fil des années et de ses jurisprudences, introduit des conditions permettant au titulaire de la marque de faire échec à l’épuisement de ses droits dans le cadre du reconditionnement de produit et, notamment, de médicament. Dans trois arrêts du 17 novembre 2022 rendus sur questions préjudicielles (CJUE 17 nov. 2022, aff. C-147/20, Novartis Pharma, ci-après « Novartis » ; aff. C-204/20, Bayer Intellectual Property, ci-après « Bayer » ; aff. C-224/20, Merck Sharp & Dohme, ci-après « MS&D »), la Cour de justice a eu l’occasion de se pencher une nouvelle fois sur la question du reconditionnement de produits. Ces affaires concernaient des importations parallèles de médicaments, reconditionnés dans de nouveaux emballages, et importés, dans deux de ces affaires, en Allemagne et pour la troisième, au Danemark.

Préalablement à tout développement relatif aux questions soulevées par les juridictions de renvoi, il semble pertinent de poser le cadre. Nul besoin, sans doute, de rappeler que le médicament est un produit spécial qui nécessite une attention toute particulière de par ses qualités et ses utilisations pouvant impacter la santé des consommateurs finaux, consommateurs que l’on pourrait par ailleurs dans ce cas de figure appeler « patients ». Ce particularisme implique que leur distribution soit entourée de moyens de sécurité effectifs. C’est pourquoi le législateur européen est intervenu pour encadrer le reconditionnement de médicament afin de prévenir toute menace sur la santé publique que pourrait constituer l’introduction de médicament falsifié dans les chaines d’approvisionnement légales. Dans cette optique, la directive 2011/62/UE (Dir. 2011/62/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011) a inséré à l’article 54 de la directive 2001/83/CE (Dir. 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 nov. 2001), une disposition o) indiquant que l’emballage des médicaments doit être muni de dispositifs de sécurité permettant aux grossistes et aux personnes autorisées ou habilitées à délivrer les médicaments au public de vérifier l’authenticité du médicament, d’identifier les boîtes individuelles de médicaments ainsi que de vérifier l’absence d’effraction de l’emballage.

Le règlement délégué 2016/161 (Règl. délégué [UE] 2016/161 de la Commission du 2 oct. 2015, complétant la dir. 2001/83/CE) établit, quant à lui, les types de dispositifs de sécurité employés. Ceux-ci doivent être...

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