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Espace boisé classé : interdiction de changer d’affectation ou de mode d’exploitation

Le classement en espace boisé interdit tout changement d’affectation ou tout mode d’occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création de boisements.

par Gatien Hamelle 26 mars 2018

Lors de l’acquisition en 1984 d’une parcelle à bâtir, les époux X avaient prévu la création d’une servitude de passage d’une longueur de quatre mètres sur un fonds servant appartenant aujourd’hui à un syndicat de copropriétaires. Dans les faits, les époux X n’avaient jamais créé de passage conforme à la servitude et accédaient à leur fonds par un chemin plus ancien.

Estimant que le syndicat ne respectait pas la servitude en réduisant son assiette à trois mètres, les époux ont assigné le syndicat afin d’être autorisés à faire réaliser les travaux sur l’ancien chemin. À titre reconventionnel, le syndicat a demandé au juge la condamnation des époux X sous astreintes à créer la servitude conventionnelle.

Dans un arrêt irrévocable du 5 novembre 2013, le juge a rejeté les demandes des époux X et a accueilli celles du syndicat.

Par la suite, le fils des époux X, se prévalant de sa qualité de nu-propriétaire, a formé tierce opposition contre cet arrêt de 2013.

Le 12 janvier 2017, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a rejeté la tierce opposition aux motifs que « la zone espace boisé classé où se situe désormais le fonds servant ne peut être un obstacle à la mise en œuvre d’une voie d’accès prévue par un titre antérieur à son existence, tandis qu’elle est de nature à empêcher l’élargissement sollicité après son instauration ».

La cour d’appel estimait ici que, à l’emplacement de la servitude conventionnelle, des travaux d’élargissement pouvaient avoir lieu, puisqu’ils avaient été prévus avant le classement en zone espace boisé classé, mais ils ne pouvaient pas être effectués sur l’ancien chemin, qui n’existait pas avant l’instauration de la zone espace boisé classé.

N’ayant pas été entendu, le fils des époux X s’est pourvu devant la Cour de cassation, qui a censuré l’arrêt d’appel aux motifs que « le classement en espace boisé interdit tout changement d’affectation ou tout mode d’occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création de boisements ».

Dans cette décision, la Cour de cassation donne raison aux consorts X en ce qu’il ne peut y avoir de travaux à l’emplacement de la servitude conventionnelle, située sur un espace boisé classé. Cependant, elle ne précise pas si la zone de passage utilisée par les époux X peut être élargie, alors qu’elle se trouve aussi sur l’espace boisé. Ce sera à la cour d’appel de renvoi de répondre à cette question.

Position stricte de la Cour de cassation

La décision rapportée de la Cour de cassation reprend mot pour mot l’article L. 130-1 (actuel art. L. 113-2) du code de l’urbanisme, qui prévoit que le classement en espace boisé interdit « tout changement d’affectation ou tout mode d’occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements ».

La position retenue dans cet arrêt n’est pas sans rappeler une autre décision de la Cour de cassation (Civ. 3e, 11 janv. 2018, n° 17-14.173, RDI 2018. 163, obs. J.-L. Bergel ) qui a jugé que « la réalisation d’une voie de circulation, même si elle ne suppose aucune coupe ou abattage d’arbres, constitue un changement d’affectation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création de boisements dans un espace classé ». Cette solution apparaît plus sévère encore que dans son arrêt du 15 mars 2018, où les travaux envisagés (à savoir, béton ferraillé sur 150 m²) sur le fonds servant appartenant au syndicat, risquant de compromettre fortement la conservation ou la protection des boisements, justifient qu’ils n’aient pas lieu.

À la différence de la Cour de cassation, le juge administratif semble plus souple sur les conditions d’application de l’article L. 113-2 du code de l’urbanisme. Il a par exemple été jugé que le classement d’un terrain comme espace boisé classé n’interdisait pas de façon générale tout changement d’affectation ou d’utilisation du sol (CE 29 déc. 1999, SNC du CAPON, req. n° 198022, Dalloz jurisprudence), ou encore que « l’établissement et l’exercice de la servitude de passage d’une canalisation souterraine d’assainissement dans un parc, espace boisé classé, dans une bande de terrain de 3 m de large sur une longueur d’environ 100 m, permettant notamment que les arbres y soient éventuellement essartés, ne sont pas suffisants, compte tenu des caractéristiques de la servitude, pour représenter un changement d’affectation du sol et ne sont pas de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements » (TA Toulouse, 12 oct. 2000, Hubert de Malefette c. Préfet de Haute-Garonne, req. n° 98498 ; Rép. min. n° 20984, JO Sénat, 23 août 2001, p. 2273).

En définitive, seules les exceptions prévues par l’article L. 113-2 du code de l’urbanisme (exploitation des produits minéraux) peuvent être retenues pour changer l’affectation ou le mode d’exploitation de la zone.