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État d’urgence : inconstitutionnalité des contrôles d’identité, des sacs et des véhicules

Le Conseil constitutionnel censure les contrôles et fouilles prévus par l’article 8-1 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.

par Jean-Marc Pastorle 5 décembre 2017

Au lendemain de l’attaque sur la promenade des Anglais, le gouvernement élaborait un projet de loi « prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et modifiant certaines de ses dispositions ». La loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016, promulguée une semaine jour pour jour après l’attentat, ajoute un nouvel article 8-1 dans la loi sur l’état d’urgence qui permet au préfet d’autoriser les officiers de la police judiciaire et de la gendarmerie et, sous leur responsabilité, les agents de la police judiciaire et de la gendarmerie à procéder à des contrôles d’identité, à la fouille et à l’inspection visuelle de bagages et à la fouille de véhicules. Trois prérogatives appartenant en temps normal au procureur de la République peuvent ainsi être exercées par le préfet durant la période de l’état d’urgence (V., O. Le Bot, Prorogation de l’état d’urgence et mesures de lutte antiterroriste, AJDA 2016. 1914 ).

Le Conseil constitutionnel a été saisi par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur cet article à la demande de la Ligue des droits de l’Homme qui reprochait à ces dispositions de permettre qu’il soit ainsi procédé à ces mesures, sans que la décision d’y recourir soit subordonnée à des circonstances ou à des menaces particulières ni qu’un contrôle juridictionnel effectif puisse s’exercer à leur encontre. La première de ces mesures autorise, en particulier, « à procéder aux contrôles d’identité prévus au huitième alinéa de l’article 78-2 » du code de procédure pénale. Selon cette disposition, « l’identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut […] être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, pour prévenir une atteinte à l’ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens ». En 1993, cette disposition avait fait l’objet d’une réserve d’interprétation relativement à la formule « quel que soit son comportement » (Cons. const. 5 août 1993, n° 93-323 DC, AJDA 1993. 815 , note P. Wachsmann ).

Opérations généralisées et discrétionnaires

Le Conseil constitutionnel rappelle que la Constitution « n’exclut pas la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d’état d’urgence ». Mais s’il est loisible au législateur de prévoir que les opérations mises en œuvre dans ce cadre puissent ne pas être liées au comportement de la personne, la pratique de ces opérations « de manière généralisée et discrétionnaire serait incompatible avec la liberté d’aller et de venir et le droit au respect de la vie privée ». Dès lors, en prévoyant que ces opérations peuvent être autorisées en tout lieu dans les zones où s’applique l’état d’urgence, « le législateur a permis leur mise en œuvre sans que celles-ci soient nécessairement justifiées par des circonstances particulières établissant le risque d’atteinte à l’ordre public dans les lieux en cause ».

Sur les effets dans le temps de cette censure, le Conseil constitutionnel relève qu’en cas de recours à l’état d’urgence, l’abrogation immédiate des dispositions contestées aurait pour effet de priver l’autorité administrative du pouvoir d’autoriser des contrôles d’identité, des fouilles de bagages et des visites de véhicules. Compte tenu de ces conséquences manifestement excessives, il décide de reporter, au 30 juin 2018, la date de l’abrogation.