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Examen d’entrée du CRFPA : le droit fiscal hors les murs

Le Conseil d’État a rejeté la demande d’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du 17 octobre 2016, fixant le programme et les modalités de l’examen d’accès au centre régional de formation professionnelle des avocats (CRFPA), qui exclut notamment le droit fiscal des épreuves de cet examen.

par Dominique Piaule 9 février 2018

La réforme de la formation initiale de la profession d’avocat (v. H. Ader et A. Damien, in S. Bortoluzzi, D. Piau et T. Wickers [dir.], Règles de la profession d’avocat, 16e éd., Dalloz 2018, nos 111.51 s.), qui aurait dû être opérée de manière globale en 2016, s’est limitée, pour l’heure, à une simple refonte de l’examen d’accès aux CRFPA, l’habilitation législative qui devait permettre au gouvernement de modifier les règles d’accès à la profession d’avocat par voie d’ordonnance et qui figurait à l’article 109, 9°), de la loi de modernisation de la justice du 21e siècle (L. n° 2016-1547, 18 nov. 2016) ayant été censurée par le Conseil constitutionnel comme constituant un cavalier législatif (17 nov. 2016, n° 2016-739 DC, § 91, Dalloz actualité, 21 nov. 2016, art. A. Portmann ; D. 2017. 1727, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; Constitutions 2016. 589, chron. G. Bergougnous ; ibid. 591, chron. P. Bachschmidt ; ibid. 2017. 97, chron. V. Egea ). L’examen d’entrée aux CRFPA a ainsi été refondu, conformément aux vœux émis par la profession d’avocat, par le décret n° 2016-1389 du 17 octobre 2016 et son arrêté d’application du même jour.

Cet arrêté est venu détailler le programme des épreuves écrites d’admissibilité, désormais sur un sujet unique choisis au niveau national par une commission, et des épreuves orales d’admission. Il a, notamment, remplacé l’épreuve écrite de spécialité, pour laquelle il appartenait jusqu’alors aux candidats de choisir une matière dans une liste de onze matières, comportant notamment le droit fiscal des affaires, par une nouvelle épreuve de cas pratique pour laquelle les candidats ont à choisir une matière dans une liste qui, désormais, comporte seulement le droit civil, le droit des affaires, le droit social, le droit pénal, le droit administratif et le droit international et européen. Il supprime également, dans le cadre des épreuves orales d’admission, la seconde épreuve orale, pour laquelle les candidats avaient jusque-là le choix entre les mêmes onze matières que pour l’épreuve écrite.

C’est cette disparition du droit fiscal du programme (comp. ancien arr. du 11 sept. 2003 fixant le programme et les modalités de l’examen d’accès au CRFPA), chagrinant les spécialistes de la matière, qui faisait l’objet d’un recours devant le Conseil d’État. À cet égard, la demande d’annulation d’un « maître de conférences ayant notamment en charge, au sein de l’institut d’études judiciaires de l’université d’Aix-Marseille, la préparation des étudiants à l’épreuve de spécialité en droit fiscal de l’examen d’entrée au CRFPA » a été jugée recevable, à l’inverse de celle d’un « professeur des universités chargé d’enseignements en droit fiscal, coauteur d’un manuel de droit fiscal général destiné à un public d’étudiants en licence, master ou doctorat et de professionnels », le Conseil d’État considérant que l’arrêté n’affecte pas de manière suffisamment directe ses prérogatives d’enseignant et qu’il ne justifie pas d’un intérêt direct et certain à solliciter l’annulation de l’arrêté.

Abordant le fond, le Conseil d’État considère que le pouvoir réglementaire dispose, pour fixer l’organisation et le programme des épreuves de l’examen d’accès aux CRFPA, d’une marge d’appréciation étendue, sous réserve que l’organisation et le programme de ces épreuves soient de nature à permettre au jury de s’assurer des connaissances et des aptitudes des candidats à l’exercice de la profession d’avocat (L. 31 déc. 1971, art. 12).

Il estime, à cet égard, que l’arrêté a entendu orienter les programmes en cause vers une mise en œuvre pratique des connaissances générales acquises dans les cursus universitaires qui sont indispensables à l’accès à la profession d’avocat. Et considère, dès lors, que la circonstance que les candidats ne se voient plus offrir la possibilité de choisir, à titre d’option, le droit fiscal des affaires, ne fait pas obstacle à ce que le jury s’assure des connaissances et des aptitudes des candidats à l’exercice de la profession d’avocat.

Le Conseil d’État considère, par ailleurs, que le fait que l’absence d’une épreuve portant spécifiquement sur le droit fiscal ne soit pas favorable aux étudiants ayant fait le choix d’une spécialisation en droit fiscal n’est pas, en soi, susceptible de constituer une atteinte au principe d’égalité entre les candidats.

Une telle solution n’apparaît pas critiquable en soi. Le spectre des matières couvertes par le programme imposant, outre une note de synthèse, trois épreuves écrites : l’une en droit des obligations, les deux autres, d’une part, dans l’une des matières que sont le droit civil, le droit des affaires, le droit social, le droit pénal, le droit administratif et le droit international et européen et, d’autre part, dans l’une des matières procédurales que sont la procédure civile et modes alternatifs de règlement des différends, la procédure pénale et la procédure administrative contentieuse, il couvre le corpus de base commun à tout cursus universitaire. La présence, dans ce même programme, de matières plus spécifiques, telles que le droit fiscal des affaires, mais encore le droit rural, le droit la concurrence, le droit de la propriété intellectuelle, etc., aurait correspondu à une orientation plus spécialisée dans le recrutement, lequel ne saurait toutefois se concevoir sans une solide maîtrise des bases juridiques communes à tout avocat sur lesquelles doit être centré l’examen de contrôle des connaissances. On pourrait, toutefois, s’interroger sur la pertinence de la prééminence faite au droit des obligations, matière incontournable dans le programme de l’examen.

Le Conseil d’État était également saisi d’un moyen tenant de l’atteinte portée au principe de sécurité juridique, rappelé à l’article L. 221-5 du code des relations entre le public et l’administration qui prévoit que « L’autorité administrative investie du pouvoir réglementaire est tenue, dans la limite de ses compétences, d’édicter des mesures transitoires […] lorsque l’application immédiate d’une nouvelle réglementation est impossible ou qu’elle entraîne, au regard de l’objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause. […] », par les modifications opérées par l’arrêté querellé : publié au Journal officiel du 18 octobre 2016, soit à moment de la rentrée universitaire 2016/2017, l’arrêté entré en vigueur pour les épreuves organisées en septembre 2017 (arr. du 17 oct. 2016, art. 13), soit un peu moins d’un an après. Ici encore, le Conseil d’État rejette le moyen en considérant que le temps d’une année universitaire ainsi prévu offrait aux candidats la possibilité de suivre un cursus de préparation notamment dans les instituts d’études judiciaires, leur permettant, eu égard à la nature des modifications intervenues, de disposer d’un délai raisonnable pour s’adapter à la nouvelle réglementation.

Enfin, on notera que le Conseil d’État, saisi d’un moyen tenant au non-respect de l’obligation de consultation préalable du Conseil supérieur de l’éducation sur « toutes les questions d’intérêt national concernant l’enseignement ou l’éducation, quel que soit le département ministériel intéressé » (C. éduc., art. L. 231-1), a considéré que l’examen d’accès aux CRFPA porte sur les conditions d’accès à une profession et ne concerne pas « l’enseignement ou l’éducation », au sens du code de l’éducation, confirmant en ce sens une réponse ministérielle (Rép. min. nos 62282 et 62284, JOAN Q 16 juin 2015) qui était venue indiquer que la formation professionnelle des avocats, régie par les dispositions de la loi du 31 décembre 1971 et par le décret du 27 novembre 1991 ne relevait pas du code de l’éducation, et notamment de ses dispositions relatives à l’encadrement des stages (C. éduc., art. L. 124-1 à L. 124-20).