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Examen des clauses abusives lors d’une procédure civile d’exécution : applications pratiques

Dans deux affaires rendues le 11 janvier 2024, le Tribunal judiciaire de Paris examine des situations où le juge de l’exécution doit se pencher sur le caractère abusif de certaines clauses du contrat ayant donné lieu aux titres exécutoires fondant les poursuites. Une des deux affaires est l’occasion de saisir pour avis la Cour de cassation à ce titre.

Le lecteur appréciant le droit des clauses abusives se souvient peut-être d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne rendu le 17 mai 2022 (CJUE 17 mai 2022, aff. C-725/19, D. 2022. 988 ; ibid. 1162, point de vue G. Poissonnier ) lequel a surtout été accompagné d’une décision plus récente en 2023 (CJUE 4 mai 2023, aff. C-200/21, Dalloz actualité, 31 mai 2023, obs. C. Hélaine). Par ces deux décisions, la Cour de justice exige désormais des juges des États membres, même au stade de l’exécution forcée, le contrôle des clauses abusives du contrat ayant donné lieu au titre exécutoire qui fonde, ensuite, les poursuites (v. ensuite en droit interne, Com. 8 févr. 2023, n° 21-17.763, Dalloz actualité, 14 févr. 2023, obs. C. Hélaine ; D. 2023. 293 ; ibid. 1430, chron. S. Barbot et C. Bellino ; ibid. 1715, obs. F.-X. Lucas et P. Cagnoli ; RTD civ. 2023. 730, obs. N. Cayrol ; RTD com. 2023. 449, obs. A. Martin-Serf ). Les difficultés pratiques d’une telle sévérité sont nombreuses. Le créancier peut se retrouver complètement désarmé quand à ce stade tardif une telle constatation est opérée par le juge. Son contrat devient alors vide d’une partie de sa substance et ses efforts ont alors parfois été vains. Dans d’autres cas, une décision ayant autorité de la chose jugée peut alors être possiblement remise en cause, ou du moins vidée de son contenu, si les clauses composant le contrat à exécuter sont réputées abusives au stade postérieur de l’exécution. Nous l’aurons compris, la position de la cour de justice pose des problèmes importants pour les magistrats chargés d’en appliquer l’orientation pour préserver l’interprétation de ce secteur du droit économique de l’Union.

L’obligation pour le juge de l’exécution ainsi rappelée conduit le Tribunal judiciaire de Paris à publier deux décisions qui font application de cette jurisprudence de la Cour de justice. Le but reste, évidemment, de montrer les enjeux pratiques importants pour les différents acteurs de ce domaine. Pour les consommateurs, d’une part, dont la clause abusive n’a pas été repérée par l’un des maillons du circuit judiciaire et qui peut se retrouver bien mal en point au moment de l’exécution forcée. Mais également pour les professionnels, les établissements bancaires par exemple, qui peuvent avoir tout intérêt à déminer le terrain en amont car les frais engendrés par une procédure peuvent être réduits à néant par le juge de l’exécution vidant le contrat de toute sa substance en l’expurgeant de ses clauses abusives.

Nous examinerons les deux jugements du 11 janvier 2024 de manière distincte. On notera la publication d’un communiqué de presse démontrant la volonté du Tribunal judiciaire de Paris de mettre en lumière la problématique. Un tel procédé est heureux car il permet d’attirer l’attention sur les décisions de première instance qui, par définition, sont les premières à repérer les nouvelles difficultés.

Sur l’affaire n° 20/81791 : une saisine pour avis de la Cour de cassation

L’affaire n° 20/81791 est probablement celle qui devra faire l’objet d’un certain suivi puisqu’elle aboutit à une saisine pour avis de la Cour de cassation sur le fondement de l’article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire. Les faits débutent autour d’un consommateur qui souscrit le 30 janvier 1998 une ouverture de crédit utilisable par fractions associée à une carte d’un grand centre commercial. Le 12 novembre 2003, le juge d’instance fait injonction au consommateur de payer diverses sommes à l’établissement bancaire au titre de ce crédit. Entre temps, la créance est cédée à un établissement tiers. La société...

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