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Exécution d’une confiscation transfrontalière : réécriture du régime légal par la Cour de cassation

Par un arrêt fondamental, rendu en matière d’exécution de confiscations prononcées à l’étranger, la Cour de cassation affirme l’obligation de notification de la décision à toutes les personnes intéressées, y compris les tiers ayant des droits sur le bien, ainsi que le droit d’appel et le droit de se pourvoir en cassation. La cour d’appel qui constate que le jugement d’exécution n’a pas été notifié au tiers dont le droit est connu encourt la censure. De la même manière, la confiscation ne peut être exécutée sans que la mauvaise foi du tiers soit établie, au terme de débats incluant raisonnablement ce tiers. Enfin, la publicité de l’audience est de mise, en l’absence de prévisions légales dérogatoires.

par Cloé Fonteix, Avocatle 7 février 2023

La France n’a jamais ratifié la Convention européenne sur la valeur internationale des jugements répressifs du 8 mai 1970, et la coopération internationale en matière d’exécution de confiscation a fait une entrée relativement récente dans le code de procédure pénale. Hors du champ du droit de l’Union européenne, et lorsqu’aucune convention bilatérale ou multilatérale n’existe, l’article 713-36 de ce code prévoit, depuis la loi du 9 juillet 2010, la possibilité d’exécuter en France une confiscation étrangère d’un bien constituant le produit de l’infraction, ou son équivalent « en valeur ». Les articles suivants, qui pour certains ont été modifiés entre-temps, encadrent le régime de droit commun de l’exécution de la confiscation étrangère, en des termes à la fois flous et peu contraignants. En effet, la loi n’organise pas directement ni les possibilités de recours ni la protection des droits des tiers, le Conseil constitutionnel n’ayant malgré cela pas jugé utile de censurer une partie de ce régime dont l’examen lui avait été récemment déféré par la Cour de cassation (Cons. const. 11 févr. 2022, n° 2021-969, Dalloz actualité 7 mars 2022, obs. C. Fonteix).

Dans ce très dense arrêt du 5 janvier 2023, la chambre criminelle s’empare des armes d’applicabilité directe offertes par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (droit au procès équitable, droit au respect des biens, droit au recours effectif en cas d’atteinte à un droit conventionnellement protégé) pour rendre une décision de principe qui ajoute, à plusieurs titres, à la loi, notamment en transformant en obligations ce qui était érigé comme simples facultés, dans l’optique toujours présente de préservation des droits des tiers sur le bien concerné.

En l’espèce, une condamnation avait été prononcée par le tribunal pénal fédéral suisse en 2014 contre une personne physique, aboutissant notamment à la confiscation d’un immeuble situé en France et appartenant à une société civile immobilière (SCI), bien préalablement frappé par une ordonnance de saisie exécutée en France. Après la condamnation, les autorités suisses avaient sollicité l’exécution de la confiscation, et le parquet national financier avait ainsi saisi le tribunal correctionnel de Paris. Seule la personne physique condamnée avait été convoquée à l’audience. Le tribunal avait ordonné l’exécution de la confiscation, par un jugement dont la personne condamnée avait interjeté appel.

C’est au stade du pourvoi qu’apparaît ici la SCI propriétaire du bien visé par la confiscation, qui n’était donc pas partie, ni en première instance ni en appel.

Après avoir accueilli la recevabilité de ce pourvoi, en s’en justifiant, la Cour de cassation fait droit à trois des moyens qui lui étaient soumis (les deux premiers, par la société, et le dernier, commun à cette société et à la personne...

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