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Extradition : le risque d’une détention à perpétuité n’emporte pas automatiquement la qualification d’un traitement inhumain et dégradant

La Cour européenne des droits de l’homme a été confrontée, dans l’affaire Sanchez-Sanchez contre Royaume-Uni, à l’hypothèse plutôt classique du risque d’une détention à perpétuité pour un requérant si jamais celui-ci faisait l’objet d’une extradition aux États-Unis. En suivant une jurisprudence désormais bien établie, la Cour réaffirme que le risque d’une telle détention à perpétuité ne saurait automatiquement engager la responsabilité de l’État exécutant la demande d’extradition au titre de l’article 3 de la Convention portant interdiction des traitements inhumains et dégradants.

Traitée en priorité en vertu de l’article 41 du règlement de la Cour, l’affaire Sanchez-Sanchez s’intéresse au cas d’un ressortissant mexicain détenu au Royaume-Uni à la demande des États-Unis d’Amérique. Le requérant doit en effet faire l’objet d’un jugement aux États-Unis pour avoir possédé, avec intention de distribuer, différentes substances illicites telles que de la marijuana, de l’héroïne et du fentanyl dans de très larges quantités (plus de 2 tonnes pour la première).

Le trafic des stupéfiants fait l’objet d’une peine minimale de vingt ans d’emprisonnement, et d’une peine maximale d’un emprisonnement à vie. Il est relevé par l’arrêt que les statistiques pénales américaines témoignent du fait que 48 % des peines prononcées par les tribunaux en 2017 étaient d’une durée inférieure à celle recommandées et que la perpétuité demeurant tout à fait exceptionnelle, ne représentant que 0,3 % des cas en 2017, et 1,1 % des auteurs d’infractions fédérales telles que celle en cause en 2013 (§ 13).

Néanmoins, à chaque étape de la procédure, les acteurs du procès témoignent du risque réel d’une condamnation à la réclusion à perpétuité : l’expert mandaté par le requérant, un avocat américain (§ 15) et le juge de district britannique (§ 16) s’accordent sur ce risque. Malgré tout, l’extradition du requérant a été prononcée en 2019 et le recours introduit conséquemment a été débouté par la High Court, celle-ci considérant que la peine d’emprisonnement à perpétuité susceptible d’être prononcée par les juridictions américaines peut faire l’objet de réductions de peines (notamment par la libération pour le motif d’humanité).

L’existence de la possibilité, pour le requérant, de faire l’objet de réductions de peines ou de voir son cas reconsidéré par différents mécanismes de droit national susceptibles de mettre fin à la détention à perpétuité permettent ainsi de considérer, pour la High Court, que la peine de réclusion criminelle à perpétuité n’est pas nettement disproportionnée. Dès lors, la High Court a considéré que l’extradition n’est pas empêchée par l’article 3 de la Convention, dont le caractère indérogeable et absolu (lourdement rappelé par la Cour européenne des droits de l’homme au point 78 comme il en est coutume dans ce type de litiges) n’est pas contesté.

La Cour européenne des droits de l’homme suivra le même raisonnement que la High Court anglaise, en insistant sur l’importance de l’existence de ces mécanismes de droit national (américain, en l’espèce) qui permettent de faire évoluer la peine d’emprisonnement à perpétuité par l’intermédiaire de remises de peines, ou encore par le...

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