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FAQ, droit souple et recours pour excès de pouvoir, la confirmation de l’ouverture du prétoire

Le Conseil d’État confirme sa jurisprudence relative aux réponses apportées par l’administration dans le cadre d’une foire aux questions (FAQ), en les qualifiant d’actes de droit souple au sens de la jurisprudence GISTI, ce qui garantit aux administrés une ouverture de son prétoire.

Dans le cadre de la mise en œuvre pratique d’un fonds de solidarité créé par l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 en vue du versement d’aides financières aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de la covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation, le ministère de l’économie, des finances et de la relance a publié sur son internet une foire aux questions. Au sein de la partie « Puis-je en bénéficier », à la question : « Les loueurs en meublés non professionnels sont-ils éligibles au fonds de solidarité ? », le ministère a apporté une réponse négative et ne prévoit pas de mécanisme spécifique à l’utilisation de ce fonds pour cette catégorie de loueurs.

Une requérante va donc saisir le Conseil d’État d’une demande d’annulation pour excès de pouvoir de cette foire aux questions en ce qu’elle exclut, par principe, les loueurs en meublés non professionnels du bénéfice du fonds précité et d’annuler toute circulaire qui procéderait à la même exclusion.

Après avoir rappelé sa jurisprudence récente en matière de droit souple (CE, sect., 12 juin 2020, n° 418142, Dalloz actualité, 16 juin 2020, obs. M-C. de Montecler ; Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s, Lebon avec les concl. ; AJDA 2020. 1196 ; ibid. 1407 , chron. C. Malverti et C. Beaufils ; AJ fam. 2020. 426, obs. C. Bruggiamosca ; AJCT 2020. 523 , Arrêt du mois S. Renard et E. Pechillon ; RFDA 2020. 785, concl. G. Odinet ; ibid. 801, note F. Melleray ) et estimé que cette foire aux questions constitue une interprétation de l’ordonnance précité et de son décret d’application en date du 8 février 2021, la Haute juridiction va juger qu’« eu égard à sa teneur, cette interprétation du droit positif, émise par les services chargés d’instruire les demandes d’aides au titre du fonds de solidarité puis de procéder, le cas échéant, au versement de ces aides, est susceptible de produire des effets notables sur la situation des personnes qui souhaitent bénéficier de ces mesures de soutien ». Le juge les qualifie donc d’acte de droit souple pour lequel le prétoire du juge de l’excès de pouvoir est ouvert. D’ailleurs, du fait de la méconnaissance par cette réponse de la définition du champ des personnes susceptibles de bénéficier de ce fonds, le Conseil d’État annule la réponse formulée dans cette foire aux questions.

Par cet arrêt, le Conseil d’État confirme la qualification d’actes de droit souple pour les réponses formulées sur les foires aux questions et l’ouverture du recours pour excès de pouvoir à l’encontre des interprétations formulées.

La confirmation de la qualification d’actes de droit souple pour les réponses dans les foires aux questions

Dans le rapport de 2013 rédigé par le Conseil d’État intitulé Le Droit souple, ce dernier définit un acte de droit souple comme celui répondant aux trois conditions cumulatives suivantes. Tout d’abord, l’acte ne doit pas créer de droits ou d’obligations par lui-même pour leurs destinataires. Cet acte doit ensuite avoir pour objet de modifier ou d’orienter les comportements de leurs destinataires en suscitant, dans la mesure du possible, leur adhésion. L’acte doit enfin présenter « par leur contenu et leur mode d’élaboration, un degré de formalisation et de structuration qui les apparente aux règles de droit ». Dans sa jurisprudence récente, la Haute juridiction administrative a jugé que le droit souple devait s’entendre comme tous les « documents de portée générale émanant d’autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentation ou interprétations du droit positif […] lorsqu’ils sont susceptibles d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation d’autres personnes que les agents chargés, le cas échéant de les mettre en œuvre » (CE, sect., 12 juin 2020, n° 418142, GISTI, préc.).

C’est sur ce fondement que se place la Haute juridiction pour se prononcer sur la justiciabilité de la réponse formulée dans une foire aux questions. En la matière, après avoir refusé bien que dans le domaine particulier du droit fiscal (CE 17 mai 2017, n° 404270, Lebon ; AJDA 2017. 1755 ; AJ fam. 2017. 437, obs. S. Paillard ; 12 juill. 2017, n° 401997, Lebon ; AJDA 2017. 2172 ; 28 mars 2018, n° 408729), sur le fondement des critères posés par la décision Duvignères (CE, sect., 18 déc. 2002, n° 233618, Lebon avec les concl. ; AJDA 2003. 487 , chron. F. Donnat et D. Casas ; D. 2003. 250 ; RFDA 2003. 280, concl. P. Fombeur ; ibid. 510, note J. Petit ) le Conseil d’État a récemment ouvert la porte à la contestation des réponses apportée dans les foires aux questions en se fondant sur les effets notables que ces actes peuvent avoir sur leurs destinataires (CE 8 avr. 2022, n° 452668, Syndicat national du marketing à la performance, Collectif des acteurs du marketing digital, Lebon ; AJDA 2022. 777 ). La Haute juridiction va se fonder sur les effets notables pour admettre la justiciabilité du document et non uniquement sur l’incidence directe sur des tiers ou sur l’administration, même si la Haute juridiction rappelle la double incidence de cette réponse sur les bénéficiaires du fonds, les services chargés d’instruire les demandes d’aides et les services chargés de procéder au versement de ces aides. Ce point confirme la position tenue par le rapporteur public Guillaume Odinet dans ses conclusions sur l’arrêt GISTI précité. Ce dernier...

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