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Les fausses notes de l’ode à la sobriété foncière

Les contempteurs de la politique de zéro artificialisation nette (ZAN) – qui semblent se faire de plus en plus nombreux au fil du temps – font désormais feu de tout bois pour dénoncer les nombreuses apories dont souffrirait le dispositif dans sa forme actuelle et qui obèreraient l’effectivité réelle à terme de l’objectif de suppression de toute artificialisation nette à l’horizon 2050. 

L’objectif de « zéro artificialisation nette » à l’horizon 2050 ne laisse pas de nous étonner. Sera-t-il finalement remis aux calendes grecques ? On est en droit de se poser la question au vu des conclusions d’un rapport sénatorial sur la mise en œuvre des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols rendu public le 9 octobre, de la teneur des cinq articles de la proposition de loi sénatoriale visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux déposée (par les mêmes auteurs que le rapport) le 7 novembre – et ayant visiblement obtenu un entier soutien du Premier ministre – et des propos critiques tenus le 19 novembre lors du 106e congrès des maires de France. À l’analyse, si l’objectif final (absence d’artificialisation nette dans 30 ans) n’est à aucun moment remis en cause, l’étape intermédiaire en revanche (division par 2 du rythme d’artificialisation entre 2021 et 2031 par rapport à la décennie précédente) est sur la sellette.

Une politique ambitieuse mais controversée

Conduite tambour battant par le gouvernement, la très controversée politique de zéro artificialisation nette à l’horizon 2050 – désormais connue (y compris du grand public) sous son tristement célèbre acronyme « ZAN » – est un exemple topique de politique gouvernementale ambitieuse, en partie bâclée par manque évident de préparation. Infortunée traduction nationale d’une stratégie européenne de gestion économe des sols, elle est issue d’une feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources datant de 2011 ; l’Union européenne y posait les jalons chiffrés et temporalisés de la lutte contre l’artificialisation des sols européens. Bon élève, le gouvernement français s’était alors empressé d’inscrire dans sa loi Climat et résilience (Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, art. 191), « sans véritable étude d’impact », plusieurs objectifs transitoires chiffrés de réduction progressive de la consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers (ENAF) et un objectif final de suppression de toute artificialisation nette en 2050.

En réalité, les objectifs généraux de sobriété foncière, véritable tropisme urbanistique contemporain, ont été dégagés il y a un quart de siècle par la loi SRU (Loi n° 2000-1208 du 13 déc. 2000) et ont fait progressivement leur entrée dans le code de l’urbanisme jusqu’à ce que la loi ELAN (Loi n° 2018-1021 du 23 nov. 2018) fasse figurer la « lutte contre l’étalement urbain » au sein de l’article d’équilibre (C. urb., art. L. 101-2). La ZAN est donc le volet offensif de cette politique nova et vetera ; elle est cependant loin de faire l’unanimité parmi les parlementaires, les professionnels de l’aménagement du territoire et les élus locaux. Ces derniers s’estiment « pris en traître » en raison de la rétroactivité de la valeur de...

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