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Faute dolosive et dispositif Girardin : on prend les mêmes et on recommence !
Faute dolosive et dispositif Girardin : on prend les mêmes et on recommence !
Comme le 6 juillet 2023, la Cour de cassation retient, en matière d’investissement Girardin, la définition autonome de la faute dolosive, exclusive de garantie, conçue comme un acte délibéré de l’assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables. L’application de la notion montre son caractère restrictif, ce qui apparaît indépassable.
par Antoine Touzain, Professeur agrégé, Université Rouen Normandiele 15 mai 2024
Déjà-vu…
Les lecteurs assidus de Dalloz actualité auront sans doute une impression de déjà-vu en découvrant la salve d’arrêts rendus par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 4 avril : il s’agit de la même société (Gesdom, pour faire du name and shame), de la même problématique (caractérisation ou non de la faute dolosive) et de la même motivation enrichie que dans l’arrêt rendu le 6 juillet 2023 (Civ. 2e, 6 juill. 2023, n° 21-24.833, Dalloz actualité, 20 sept. 2023, obs. R. Bigot et A. Cayol ; RDI 2023. 546, obs. D. Noguéro ; LEDA sept. 2023, DAS201l9, p. 2, obs. P.-G. Marly).
Plusieurs particuliers avaient souscrit, fin 2011, des produits d’investissement pour l’acquisition et la mise en location de stations d’éclairage alimentées par panneaux photovoltaïques, dans l’optique de bénéficier de la réduction d’impôt prévue par le dispositif Girardin industriel. Problème : la loi de finances du 29 décembre 2010 avait rendu inéligibles les investissements portant sur des stations autonomes d’éclairage (SAE) utilisant l’énergie radiative du soleil : la société Gesdom, qui avait proposé les produits de défiscalisation, refusa donc de remettre l’attestation fiscale. L’investissement se trouvant totalement inutile, les particuliers assignèrent Gesdom, ainsi que son assureur de responsabilité civile. L’assureur opposa, pour refuser la garantie, la faute dolosive de Gesdom.
Les juges du fond furent convaincus et retinrent la faute dolosive : tous les professionnels du secteur, après la loi de finances pour 2011, ne pouvaient que conclure à l’inéligibilité du dispositif Girardin pour les SAE produisant de l’électricité au moyen de panneaux photovoltaïques, et ne pouvaient faire valoir auprès des investisseurs potentiels un avantage fiscal devenu manifestement exclu. Dès lors, la société Gesdom aurait dû suspendre la commercialisation des produits concernés. Les juges du fond retiennent ainsi que si Gesdom a interrogé l’administration fiscale, ce n’est que trop tard (alors que sa réponse était évidente), soulignant également que la soi-disant consultation d’un cabinet spécialisé en matière fiscale, non produite, fut, elle aussi, trop tardive. Partant, la société Gesdom avait pleinement conscience du risque évident qu’elle faisait courir aux investisseurs au moment où le contrat a été souscrit, ce qui a abouti à la réalisation inéluctable du dommage et fait disparaître l’aléa attaché à la couverture du risque. Les juges du fond en concluent que Gesdom avait commis une faute dolosive exclusive de tout aléa, que les assureurs étaient fondés à opposer pour exclure la garantie, sur le fondement de l’article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances.
Comme en juillet 2023, la deuxième chambre civile casse les divers arrêts qui lui sont soumis, par neuf décisions identiques. Au visa de l’article L. 113-1, alinéa 2, dont elle rappelle la teneur, à savoir que « l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré » (§ 6), elle répète la définition désormais habituelle de la faute dolosive, qui « s’entend d’un acte délibéré de l’assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables » (§ 7). Puis la Cour de cassation reproduit les arguments détaillés des juges du fond (§§ 8 à 13) pour conclure qu’il y a là des « motifs impropres à caractériser la conscience qu’avait la société Gesdom du caractère inéluctable des conséquences dommageables de la commercialisation de son produit auprès [de ses clients], qui ne se confond pas avec la conscience du risque d’occasionner le dommage ».
La solution est désormais établie. D’un point de vue technique, elle ne surprend plus guère et paraît compréhensible ; en opportunité, elle paraît connaître...
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