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Faux en écriture : éventualité du préjudice résultant de l’altération de la vérité

Malgré l’absence de stratagème, l’imitation de la signature de l’époux incapable de donner son consentement constitue un faux, dans la mesure où la contraction d’un emprunt est de nature à causer à la victime un préjudice éventuel.

« Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement. », selon les termes de l’article 220 du code civil.

En vertu de ces dispositions, en temps normal, les époux sont tenus solidairement au paiement des dettes ménagères, de sorte que les créanciers qui bénéficient de cette solidarité peuvent se retourner indifféremment vers l’un ou l’autre des époux. Toutefois, il se peut que le couple connaisse une phase dite de crise, liée à des mésententes, ou à une impossibilité, pour l’un des conjoints, de manifester sa volonté, soit parce que ses facultés mentales sont altérées, soit parce qu’il n’est plus présent physiquement. Alors, en temps de crise, « l’autonomie fondée sur la confiance réciproque n’est plus adaptée au sein du couple » (Rép. civ., Mariage, par M. Lamarche et J.-J. Lemouland, n° 299). Afin de prévenir les risques pour les intérêts de la famille qui pourraient résulter d’une telle situation, un recours au juge est prévu par le législateur. Il se matérialise par des mesures, comme l’autorisation judiciaire de l’article 217 du code civil ou la représentation judiciaire de l’article 219 du même code, et qui permettent une extension des pouvoirs de l’un des époux. En revanche, le fait, pour un conjoint, de falsifier la signature de son épouse incapable d’exprimer son consentement dans le but de souscrire des contrats de prêt ne fait pas partie des solutions admises et tombe sous l’application de la loi pénale, ainsi que cela ressort de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 19 octobre 2022.

Un mari imite la signature de sa femme, empêchée de consentir à un prêt commun

En l’espèce, en 2009, une femme a été victime d’un accident de la circulation l’ayant plongée dans le coma pendant plusieurs mois. En juin 2009, elle a été hospitalisée jusqu’en janvier 2012. En mars 2012, son époux a souscrit au nom du couple un contrat de prêt de rachat de crédit d’un montant de 74 000 € et un contrat de prêt pour travaux d’un montant de 81 000 €. À cette fin, il a imité la signature de son épouse, car les séquelles physiques et psychologiques irréversibles de l’accident survenu empêchaient cette dernière de donner valablement son consentement. En 2015, son avocat a porté plainte et s’est constitué partie civile.

L’époux a été mis en examen mais par ordonnance, le juge d’instruction a prononcé un non-lieu. La victime, représentée par son tuteur, ainsi que ses parents, également parties civiles, ont interjeté appel. La juridiction du second degré a confirmé l’ordonnance de non-lieu du chef de faux et usage de faux. Pour ce faire, elle a relevé que les séquelles physiques et psychologiques irréversibles de l’accident survenu en 2009 empêchaient l’épouse de donner valablement son consentement aux contrats de prêts et que son mari a admis avoir signé les offres de prêts en lieu et place de son épouse et les avoir utilisées pour l’obtention des deux prêts. Pour la cour d’appel, la caractérisation du délit de faux suppose qu’il soit établi que l’altération de la vérité soit susceptible de porter préjudice à la partie civile. Elle a considéré que les prêts souscrits ne résultaient pas d’un stratagème mis en place par le mis en cause, que l’un des prêts a été...

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