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Financement du régime d’assurance vieillesse des avocats : affectation des droits de plaidoirie

L’article L. 723-3 du code de la sécurité sociale qui prévoit que le régime d’assurance vieillesse de base de la Caisse nationale des barreaux français est financé notamment par les droits alloués aux avocats pour la plaidoirie est conforme à la Constitution.

par Wolfgang Fraissele 17 juillet 2018

Le régime d’assurance vieillesse de base de la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) est financé en premier lieu par une cotisation annuelle obligatoirement versée par l’ensemble des avocats et en second lieu par les droits de plaidoirie. Le droit de plaidoirie (décr. n° 2014-1704, 30 déc. 2014, relatif aux droits de plaidoirie et à la contribution équivalente, Dalloz actualité, 6 janv. 2015, obs. A. Portmann isset(node/170323) ? node/170323 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>170323) est une redevance financière payée par le client à son avocat pour chaque plaidoirie ou dépôt de dossier devant la majorité des juridictions. Cette somme est ensuite reversée au barreau auquel l’avocat appartient puis est transférée à la CNBF. Ces droits sont recouvrés auprès de chaque avocat non salarié ou société d’avocats. Le non-respect de ces dispositions est susceptible de justifier une décision d’omission du tableau (décr. n° 91-1197, 27 nov. 1991, organisant la profession d’avocat, art. 105). Concernant les avocats dont l’activité principale n’est pas la plaidoirie, ces derniers versent une contribution équivalente aux droits de plaidoirie (CSS, art. L. 723-3). C’est particulièrement cette contribution qui a donné lieu à la présente décision.

Selon la société requérante, les dispositions de l’article L. 723-3 du code de la sécurité sociale méconnaîtraient les principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques, dans la mesure où la contribution au financement du régime d’assurance vieillesse des avocats n’est pas plafonnée lorsqu’elle est versée sous la forme de droits de plaidoirie alors qu’elle l’est, pour les avocats dont la plaidoirie n’est pas l’activité principale, lorsqu’ils s’acquittent de la contribution équivalant à ces droits.

En effet, s’agissant des avocats dont la plaidoirie n’est pas l’activité principale, le calcul de la CNBF revient à diviser le revenu professionnel déclaré pour l’avant-dernière année civile, augmenté des rémunérations nettes versées par l’avocat ou la société d’avocats aux avocats salariés, pour ensuite déterminer un nombre théorique de droits de plaidoirie au vu du revenu.

Concernant les avocats plaidants, le calcul apparaît moins approximatif dans la mesure où le droit de plaidoirie est dû à l’avocat, outre quelques exclusions (v. en ce sens le site internet de la CNBF) pour chaque plaidoirie faite aux audiences. Le montant du droit de plaidoirie est fixé à 13 € (CSS, art., R. 723-26-3). En pratique, au plus tard le quinzième jour du mois suivant le dernier jour de chaque trimestre civil, l’avocat ou la société d’avocats reverse à la CNBF les droits de plaidoirie qu’il a perçus durant ce trimestre (CSS, art., R. 723-26-4).

Le point de difficulté concerne le plafonnement des bases de calcul de la contribution au financement du régime d’assurance vieillesse des avocats. Saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), la Cour de cassation a, par une décision du 3 mai 2018 (Civ. 2e, QPC, 3 mai 2018, n° 17-26.996, Dalloz actualité, 28 mai 2018, obs. G. Deharo isset(node/190787) ? node/190787 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>190787), transféré celle-ci au Conseil constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel rappelle d’abord que les droits de plaidoirie ne constituent pas une cotisation personnelle des avocats grevant leurs revenus professionnels. Il livre ensuite une explication de la ratio legis des dispositions en cause en considérant qu’il est « indifférent à cet égard que les avocats perçoivent ces droits avant de les reverser, dans leur intégralité, à la caisse nationale. Il en va en revanche différemment de la "contribution équivalente". Celle-ci pèse directement sur les revenus professionnels des avocats qui y sont assujettis. En instaurant une telle différence de traitement entre les avocats dont la plaidoirie est l’activité principale et leurs confrères, le législateur a entendu tenir compte de la participation financière particulière au service public de la justice que constitue l’activité de plaidoirie ».

Il poursuit sa motivation en précisant qu’« afin, toutefois, de limiter la charge pesant ainsi sur les revenus professionnels des avocats dont la plaidoirie n’est pas l’activité principale, le législateur a instauré, par les dispositions contestées, un plafonnement de la "contribution équivalente". Dès lors, la différence de traitement résultant de l’absence de plafonnement des droits de plaidoirie reversés est justifiée par le fait que, pour la raison évoquée au paragraphe précédent, la contribution équivalente pèse sur les avocats qui y sont assujettis, alors que les droits de plaidoirie pèsent sur les justiciables et non sur les avocats qui les reversent. Cette différence de traitement, qui est ainsi fondée sur une différence de situation, est en rapport avec l’objet de la loi ».