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Le flot législatif ne connaît pas la crise

Le gouvernement vient de publier ses indicateurs de l’activité normative pour 2021. Si la crise sanitaire a légèrement tari le flux de nouvelles lois, le nombre d’ordonnances a atteint un record, avec 125 ordonnances publiées. Il faudrait un mois entier, sans jamais s’interrompre pour lire les 89 185 articles de loi en vigueur. 

par Pierre Januelle 12 mars 2021

125 ordonnances en 2020

En début de mandature, la lutte contre les nouvelles normes avait été érigée en priorité. Le constat est connu : il y a trop de nouvelles lois, mal écrites et qui changent trop souvent. Le secrétariat général du gouvernement avait diffusé des indicateurs en 2018 (Dalloz actualité, 31 mai 2018, art. P. Januel), qui avaient été mis à jour en 2019 (Dalloz actualité, 29 avr. 2019, art. P. Januel). Et en 2020 ? Il y a eu la crise et les données n’ont pas été actualisées.

Les chiffres 2021 viennent d’être publiés. Malgré la pause parlementaire causée par la crise sanitaire, le nombre de nouvelles lois s’est maintenu à un niveau important : 47, dont 14 liés à la crise covid-19. 1 221 nouveaux articles de loi ont été promulgués, ce qui est une baisse réelle par rapport à 2019 (1 684).

Mais si les lois étaient moins longues, c’est qu’elles contenaient beaucoup d’habilitation à légiférer par ordonnances (Dalloz actualité, 20 mars 2018, art. P. Januel). Et de fait, le nombre d’ordonnances publié à atteint le nombre record de 125, dont 99 étaient liés à la gestion de la crise sanitaire.

Jusqu’au milieu des années 2010, la mauvaise application des lois était un problème récurrent. Mais dorénavant, la plupart des décrets sont pris à temps (Dalloz actualité, 29 juill. 2020, art. P. Januel) : 88 % des décrets sont publiés dans les six mois. Au total, 1 773 décrets ont été publiés. Le nombre de pages du Journal officiel en 2020 est resté à un niveau important (69 086 pages, soit presque autant qu’en 2019).

Moins de lois d’origine européenne

L’un des éléments notables des statistiques publiés est le faible nombre de textes liés à la transposition de directives européennes. Seuls 4 lois, 9 ordonnances et 22 décrets visaient à se conformer au droit de l’Union européenne. Un chiffre très éloigné du mythe des 80 % des lois qui viendraient de Bruxelles. La publication des traités ou accords internationaux marque elle aussi le pas, puisque il n’y a eu que 59 décrets pour ce motif, soit deux fois moins qu’il y a cinq ans.

La lutte contre les nouvelles circulaires est le point sur lequel la lutte contre l’inflation normative a réussi. Alors qu’il y en avait jusqu’à récemment, 1 300 par année, il n’y a eu que 151 circulaires mises en ligne en 2020. À noter, depuis la loi ESSOC les circulaires sont devenues opposables, ce qui nécessitent qu’elles soient publiées sur les sites des ministères concernés. Autre tendance, le nouveau bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS), qui comme le BOFIP, rassemble dorénavant toutes les circulaires et instructions.

Le poids des lois a doublé en vingt ans

Ces nouvelles normes viennent s’ajouter à un stock important. Au 25 janvier 2021, il y avait 89 185 articles législatifs en vigueur et 242 663 articles réglementaires, contre respectivement 53 207 et 161 995 il y a vingt ans. Par contre, les articles sont devenus plus bavards, passant de 110 mots en moyenne en 2002 à 149 en 2020. Plus de lois et plus bavardes, au total, le nombre de mots dans nos lois consolidées a plus que doublé en vingt ans, pour atteindre 13,3 millions de mots. Un lecteur correct (300 mots par minute) mais passionné mettrait ainsi un mois sans interruption pour lire tous nos articles de loi et 98 jours s’il ajoute les articles réglementaires.

La lutte contre l’inflation normative n’est donc pour l’instant pas gagnée. L’idée de deux normes disparues pour toute création a d’ailleurs disparu des discours politiques. Au-delà, les objectifs de cette politique sont parfois flous : veut-on moins de normes, moins de nouvelles normes, des normes plus adaptées à chaque situation ou des normes plus générales ? Ces objectifs, contradictoires, sont en effet souvent confondus dans les discours.
 

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