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Fonctionnement des copropriétés et accès des huissiers aux parties communes

Un décret du 27 juin 2019, partiellement d’application de la loi ELAN du 23 novembre 2018, porte diverses mesures relatives au fonctionnement des copropriétés et à l’accès des huissiers de justice aux parties communes d’immeubles (en copropriété ou non).

par Yves Rouquetle 3 juillet 2019

Le décret n° 2019-650 du 27 juin 2019 (JO du 28) s’intéresse tour à tour au fonctionnement des copropriétés et à l’accès des huissiers de justice aux parties communes.

Si, sur le premier point, ce texte constitue les mesures réglementaires induites, en la matière, par la loi ELAN du 23 novembre 2018, sur le second, il s’agit de la reprise non pas de la lettre mais de l’esprit de dispositions qui, votées dans le cadre de l’examen des lois ELAN et Programmation et réforme pour la justice, avaient été censurées par le Conseil constitutionnel pour cause de cavalier législatif (v. nos obs. in Dalloz actualité, 7 déc. 2018 isset(node/193469) ? node/193469 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>193469 et 4 avr. 2019 isset(node/195236) ? node/195236 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>195236).

Fonctionnement des copropriétés

Information des copropriétaires

De manière à renforcer l’information des copropriétaires sur la tenue des assemblées générales et sur la faculté qui leur est donnée d’y jouer un rôle moteur, l’article 9 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 est enrichi d’un second alinéa.

Aux termes du nouveau texte, le syndic indique, par voie d’affichage, aux copropriétaires, la date de la prochaine assemblée générale et la possibilité qui leur est offerte de solliciter l’inscription d’une ou plusieurs questions à l’ordre du jour. Il est par ailleurs précisé que cet affichage, qui doit reproduire les dispositions de l’article 10 du décret de 1967 (relatif aux modalités d’inscription d’une question à l’ordre du jour et également modifié par le décret de 2019), est réalisé dans un « délai raisonnable permettant aux copropriétaires de faire inscrire leurs questions à l’ordre du jour ».

Le texte indique toutefois in fine que cette formalité n’est pas prescrite à peine d’irrégularité de la convocation.

Consultation des pièces justificatives de charges de copropriété avant l’assemblée

À cet égard, le texte nouveau modifie l’article 9-1 du décret de 1967, texte d’application de l’article 18-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 permettant aux copropriétaires d’avoir accès aux pièces justificatives des charges de copropriété entre la convocation de l’assemblée générale appelée à connaître des comptes de la copropriété et sa tenue.

On retiendra des nouvelles dispositions qu’elles permettent désormais à un copropriétaire de se faire assister non seulement par un membre du conseil syndical (cette possibilité existait déjà) mais aussi par son locataire. Le texte va même plus loin puisqu’il permet à ce locataire de « consulter en […] lieu et place [du copropriétaire] les pièces justificatives de charges récupérables mentionnées à l’article 23 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ».

Nous nous situons là aux confins du droit de la copropriété des immeubles bâtis et du droit des baux d’habitation ou à usage mixte.

Réception d’un mandat en blanc par le syndic

Selon le nouvel article 15-1 du décret de 1967, le syndic qui reçoit un « mandat avec délégation de vote sans indication du nom du mandataire » doit le remettre en début de réunion au président du conseil syndical afin qu’il désigne un mandataire pour exercer cette délégation de vote. De manière à envisager toutes les éventualités, le nouveau texte précise que, lorsqu’il n’y a pas de président du conseil syndical, voire pas de conseil syndical du tout, le syndic doit remettre ce mandat au président de séance désigné par l’assemblée générale.

Participation des copropriétaires aux assemblées générales par un moyen de communication électronique

Créé par la loi ELAN du 23 novembre 2018, l’article 17-1 A de la loi de 1965 envisage la participation des copropriétaires à l’assemblée générale, non seulement par présence physique mais également « par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique permettant leur identification ».

Le nouvel article 13-1 du décret de 1967 indique que l’assemblée générale décide des moyens et supports techniques permettant aux copropriétaires de participer aux assemblées générales par visioconférence, par audioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique ainsi que des garanties permettant de s’assurer de l’identité de chaque participant. Le texte précise par ailleurs, d’une part, que la décision est prise sur la base de devis élaborés à cet effet à l’initiative du syndic ou du conseil syndical et, d’autre part, que c’est le syndicat des copropriétaires qui en supporte les coûts.

Enfin, la garantie de la participation effective des copropriétaires implique que les supports doivent, au moins, transmettre leur voix et permettre la retransmission continue et simultanée des délibérations.

Quant au nouvel article 13-2 du décret de 1967, il dispose que le copropriétaire désireux de participer à l’assemblée générale par un moyen de communication électronique doit en informer le syndic par tout moyen au moins trois jours francs avant la tenue de la réunion.

On notera que le décret de 2019 n’aborde pas la question des modalités du vote par correspondance, dont il est également question à l’article 17-1 A de la loi de 1965.

Tenue de la feuille de présence

L’article 14 du décret de 1967 est totalement réécrit de manière à prendre en compte ces nouveaux modes de participation aux assemblées générales.

Ainsi, la feuille de présence doit désormais distinguer les copropriétaires ou associés qui étaient présents physiquement ou représentés de ceux qui ont participé à l’assemblée par visioconférence, audioconférence ou autre moyen de communication électronique.

Par ailleurs, dans le cas où le copropriétaire ou l’associé est représenté, la feuille de présence doit préciser, le cas échéant, si ce dernier participe à l’assemblée un moyen de communication électronique.

Quant à son émargement, il n’est pas requis pour ces participants d’un nouveau genre.

Rédaction du procès-verbal d’assemblée générale

Aux termes du deuxième alinéa de l’article 17 du décret de 1967 amendé, le procès-verbal précise, le cas échéant, si les mandats de vote ont été distribués par le président du conseil syndical ou par le président de séance dans les conditions prévues à l’article 15-1 (relatif à la réception de mandats en blanc, v. supra).

De plus, il est précisé que les incidents techniques ayant empêché le copropriétaire ou l’associé qui a eu recours à un moyen de communication électronique de faire connaître son vote doivent être mentionnés dans le procès-verbal.

Enfin, il est désormais expressément indiqué que la feuille de présence est annexée au procès-verbal. Ce qui fait écho à l’article 14 du décret de 1967 qui, depuis sa réécriture par un décret du 27 mai 2004, dispose que « la feuille de présence constitue une annexe au procès-verbal avec lequel elle est conservée ».

Conditions d’accès à un espace en ligne sécurisé

Depuis la loi ALUR du 24 mars 2014, lorsqu’il s’agit d’un professionnel, le syndic est chargé de proposer un accès en ligne sécurisé aux documents dématérialisés relatifs à la gestion de l’immeuble ou des lots gérés, sauf décision contraire de l’assemblée générale (prise à la majorité de l’article 25).

Si la liste minimale des documents dématérialisés accessibles sur un tel espace sécurisé en ligne est connue depuis la parution du décret n° 2019-502 du 23 mai 2019 (au JO du 24 mai, v. nos obs. in Dalloz actualité, 28 mai 2019 isset(node/195916) ? node/195916 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>195916), il restait au pouvoir réglementaire à déterminer les modalités d’accessibilité à cet espace.

C’est désormais chose faite, l’article 33-1-1 nouveau du décret de 1967 disposant que l’espace en ligne sécurisé est accessible aux membres du conseil syndical et aux copropriétaires au moyen d’un code personnel sécurisé garantissant la fiabilité de l’identification des copropriétaires.

Le texte précise par ailleurs que les documents mis à disposition par le syndic dans cet espace sont téléchargeables et imprimables.

Enfin, le décret du 27 juin 2019 indique que les documents relatifs à la gestion de l’immeuble et des lots gérés mis à disposition dans cet espace sont, le cas échéant, actualisés au minimum une fois par an par le syndic, dans les trois mois précédant l’assemblée générale annuelle.

Actions en justice intentées au nom du syndicat

La première nouveauté du texte de 2019 est de limiter aux seuls copropriétaires la faculté de soulever l’absence d’habilitation du syndic à agir en justice. L’article 55 du décret du 17 mars 1967 s’enrichit en effet d’un alinéa aux termes duquel seuls les copropriétaires peuvent se prévaloir de l’absence d’autorisation du syndic à agir en justice.

De plus, la liste des actions que le syndic peut intenter sans y avoir été autorisé par l’organe délibérant du syndicat s’allonge, puisqu’elle comporte désormais « l’opposition aux travaux permettant la recharge normale des véhicules électriques prévue à l’article R. 136-2 du code de la construction et de l’habitation ».

Accord des copropriétaires à la réception de notifications et mises en demeure électroniques

Alors que l’article 42-1 de la loi de 1965 précise que les notifications et mises en demeure, sous réserve de l’accord exprès des copropriétaires, sont valablement faites par voie électronique, le décret de 2019 réécrit les articles 64-1 et 64-2 et s’enrichit d’un article 64-5.

Ainsi, l’accord exprès précise s’il porte sur les notifications, les mises en demeure ou les deux. Cet accord exprès peut par ailleurs ne porter que sur les modalités particulières de notification mentionnées à l’article 64-5 (notifications complémentaires à l’ordre du jour, lorsque la copropriété est dotée d’un espace en ligne sécurisé ; v. infra).

Lorsqu’il est formulé lors de l’assemblée générale, cet accord est mentionné sur le procès-verbal. Il peut toutefois également être adressé à tout moment au syndic par tout moyen conférant date certaine.

Quant au retrait de l’accord, le copropriétaire peut y procéder à tout moment selon les mêmes formes que celles prévues lorsqu’il donne son accord. Si cette décision est formulée lors de l’assemblée générale, le syndic en fait mention sur le procès-verbal. La décision de retrait prend effet le lendemain du huitième jour suivant la réception par le syndic de l’information.

Enfin, le texte (nouv. art. 64-5) réserve un sort particulier aux notifications complémentaires à l’ordre du jour de l’article 11 du décret du 17 mars 1967, lorsque la copropriété est dotée d’un espace en ligne sécurisé.

En effet, en pareille occurrence, la notification de ces documents peut, sous réserve de l’accord exprès du copropriétaire, valablement résulter d’une mise à disposition dans un espace du site dont l’accès est réservé aux copropriétaires. La convocation à l’assemblée précise alors expressément que ces documents sont accessibles en ligne et la durée de la mise à disposition.

Accès des huissiers de justice aux parties communes des immeubles

Issues de la loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010, les dispositions de l’article L. 111-6-1 du code de la construction et de l’habitation, qui renvoient à un décret d’application, précisent que le propriétaire ou, en cas de copropriété, le syndicat des copropriétaires représenté par le syndic permet aux huissiers de justice d’accéder, pour l’accomplissement de leurs missions de signification ou d’exécution, aux parties communes des immeubles d’habitation.

Il aura ainsi fallu attendre plus de huit années et demie avant que les mesures réglementaires ne soient publiées.

Il s’agit des articles R. 111-17-1 à R. 111-17-3.

Désormais, lorsque les parties communes d’un immeuble d’habitation ne sont pas accessibles librement depuis la voie publique, l’huissier de justice (ou le clerc assermenté) adresse, par tout moyen, une demande d’accès à celles-ci au propriétaire ou, en cas de copropriété, au syndic, en justifiant de son identité, de sa qualité professionnelle ainsi que de la mission de signification ou d’exécution qui lui a été confiée.

Le propriétaire ou, en cas de copropriété, le syndic remet à l’huissier de justice (ou au clerc assermenté) un moyen matériel d’accès aux parties communes ou lui adresse les codes lui permettant d’y accéder.

Cette remise ou la transmission des moyens d’accès doit intervenir cinq jours ouvrables au plus à compter de la réception de la demande, contre récépissé ou par tout autre moyen propre à établir la preuve de la remise ou de la transmission et la date à laquelle celle-ci a eu lieu.

Quant à la restitution du moyen matériel d’accès aux parties communes, elle doit intervenir sans délai et contre récépissé au propriétaire ou, en cas de copropriété, au syndic, après accomplissement de sa mission par l’huissier ou le clerc assermenté.