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Force majeure : la réception reste brouillée
Force majeure : la réception reste brouillée
L’avocat qui exerce au sein d’un cabinet d’une trentaine de personnes composée notamment d’une équipe en droit social dont il fait partie, laquelle était en mesure de le suppléer en cas d’empêchement dû à son état de santé et de suivre ses instructions, ne saurait invoquer la force majeure pour échapper à la caducité de sa déclaration d’appel encourue pour non-respect de son délai pour conclure.
par Romain Laffly, Avocat associé, Lexavouéle 6 janvier 2022

FM. Ou Force majeure. Deux lettres d’espoir, apparues en 2017 avec un article 910-3 du code de procédure civile, présentées aux avocats comme une concession et « vendues » comme pouvant permettre d’échapper aux sanctions en cas de notification tardive de leurs conclusions. La Cour de cassation confirme qu’il sera de courte durée. Souhaitant contester des jugements du conseil de prud’hommes dans le cadre d’un licenciement collectif pour motif économique l’opposant à seize salariés, une société de maintenance pétrolière forme appel le 28 février 2019 devant la chambre sociale de la cour d’appel de Pau. L’avocat de la société transmet ses conclusions d’appel le 3 juin 2019 par lettre recommandée, enregistrées au greffe le 5 juin 2019. Saisi d’un incident de caducité faute d’une notification des conclusions dans le délai de l’article 908 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état retient la force majeure mais les salariés contestent l’analyse sur déféré. Par arrêts du 25 juin 2020, la cour d’appel infirme les ordonnances déférées en relevant qu’aucun cas de force majeure n’était démontré par l’appelante l’empêchant de conclure dans le délai de trois mois qui lui était imparti. La société forme des pourvois contre les seize arrêts en reprochant à la cour d’avoir statué ainsi alors que, certificat médical à l’appui, l’avocat de la société appelante avait été physiquement empêché de travailler du 22 mai au 3 juin pour raisons de santé. Le moyen avançait encore qu’il avait ensuite fait toutes diligences pour satisfaire au plus vite aux obligations procédurales dès que cela lui avait été possible et que la cour ne pouvait écarter la force majeure motif pris qu’il faisait « partie d’une équipe d’avocats ». Il ajoutait enfin que cette notification tardive n’avait en rien retardé la procédure d’appel et que les objectifs poursuivis par les règles de la procédure d’appel avaient pu être satisfaits, de sorte que la cour d’appel avait retenu une interprétation excessive des conditions de l’article 910-3 du code de procédure civile et érigé un obstacle disproportionné à l’accès au juge d’appel en violation de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme. La deuxième chambre civile balaye l’argumentation tant au regard des règles internes qu’européennes, et répond, après jonction, pour rejeter l’ensemble des pourvois :
« 12. Selon l’article 910-3 du code de procédure civile, en cas de force majeure, le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état peut écarter l’application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911.
13. Constitue, au sens de ce texte, un cas de force majeure la circonstance non imputable au fait de la partie et qui revêt pour elle un caractère insurmontable.
14. Les arrêts retiennent que la partie qui se prévaut de la force majeure doit démontrer que les effets de la caducité ne pouvaient être évités par des mesures appropriées et qu’ aucun élément ne permet de retenir que M. [UB], lorsqu’il traite les dossiers de sa clientèle personnelle, ne bénéficie d’aucun support de la part du cabinet d’avocats X, dans lequel il exerce, constitué d’une trentaine de personnes et notamment une équipe en droit social dont il fait partie et qu’il s’en déduit qu’un membre de cette équipe était en mesure de le suppléer en cas d’empêchement, et de suivre ses instructions.
15. Ils ajoutent qu’il ressort des courriels qu’il a adressés à l’avocat des salariés de la société que M. [UB] a été en mesure le 24 mai 2019 de communiquer le décompte des condamnations assorties de l’exécution provisoire et de donner des informations précises sur le règlement des sommes concernées et que c’est le jour même de son rétablissement, à savoir le 3 juin, qu’il a adressé à la cour ses conclusions d’une trentaine de pages concernant les seize salariés intimés, accompagnées de 269 pièces, ce qui suppose qu’il ait bénéficié d’un support, eu égard à son état de santé.
16. En l’état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d’appel a pu en déduire qu’aucun cas de force majeure n’était démontré par l’appelante l’empêchant de conclure dans le délai de l’article 908 du code de procédure civile, de sorte que c’est à bon droit et sans méconnaître les dispositions de...
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Auteur(s) : Pierre Callé, Laurent Dargent