Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Le formalisme excessif, une affaire de bon sens !

Fait preuve d’un formalisme excessif la cour d’appel qui prononce la caducité de la déclaration d’appel au motif que l’appelant a procédé à la signification du seul document en sa possession au lieu du fichier récapitulatif de l’acte d’appel généré par le greffe alors que celui-ci n’avait jamais été en possession de son avocat et que l’intimé avait ensuite constitué avocat et était donc informé de l’appel.

Le formalisme excessif serait une affaire de bon sens. Vite dit, mais c’est la deuxième chambre civile qui le dit, dans sa dernière Lettre de chambre de février 2025. Pourtant, on le verra avec cet arrêt, le bon sens procédural est à géométrie variable au point qu’il semble difficile de le normer. Saisi d’un incident de caducité par une société intimée sur l’appel de ses adversaires dirigé à l’encontre d’un jugement du tribunal de commerce, le conseiller de la mise en état de la Cour d’appel de Reims, pour écarter toute sanction, avait estimé que si les deux sociétés appelantes n’avaient pas signifié la déclaration d’appel telle qu’enregistrée par le greffe, c’est qu’elles n’avaient jamais réceptionné le fichier récapitulatif formalisant l’acte d’appel. Sur déféré, la Cour d’appel de Reims estima que s’il était constant qu’au jour de l’envoi de l’avis d’avoir à signifier la déclaration d’appel faute de constitution d’intimé, conformément à l’article 902 du code de procédure civile, les sociétés appelantes ne disposaient pas du fichier récapitulatif, elles ne l’avaient pas non plus réclamé au greffe. L’acte d’appel généré par le greffe n’ayant pas été signifié dans le délai d’un mois de la réception de l’avis d’avoir à signifier, l’ordonnance déférée fut infirmée et la caducité prononcée. Le moyen du pourvoi exprimait en substance la caractérisation d’un formalisme excessif comme une restriction du droit d’accès au juge et une violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme alors que la cour d’appel avait elle-même constaté que les sociétés appelantes s’étaient heurtées à des obstacles pratiques résidant dans l’absence de réception du document qu’il leur était reproché de ne pas avoir signifié. La réponse de la deuxième chambre civile est celle-ci :

« Vu l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 902, alinéa 3, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :
4. Selon le premier de ces textes, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial.
5. Selon le second, la déclaration d’appel doit être signifiée à l’intimé défaillant dans le mois de l’avis adressé par le greffe, à peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office.
6. Aux termes de l’article 8 de l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel, le message de données relatif à une déclaration d’appel provoque un avis de réception par les services du greffe, auquel est joint un fichier récapitulatif reprenant les données du message et ce récapitulatif tient lieu de déclaration d’appel, de même que leur édition par l’avocat tient lieu d’exemplaire de cette déclaration lorsqu’elle doit être produite sous un format papier.
7. Pour prononcer la caducité de l’appel formé contre le jugement du 16 juin 2020, l’arrêt relève que les appelantes ne disposaient pas du fichier récapitulatif, qu’elles ne l’ont pas réclamé et ont signifié à l’intimée le 15 février 2021, le document joint au message de données relatif à l’envoi de la déclaration d’appel par leur avocat au greffe, qui ne justifie pas de sa remise au greffe et que ni l’acte de signification ni les pièces remises à l’intimée n’établissent la remise de la déclaration d’appel au greffe, pourtant nécessaire pour que la déclaration d’appel acquière une telle valeur.
8. Il retient en outre que la caducité prévue par l’article 902 du code de procédure civile n’est pas encourue au titre d’un vice de forme de la déclaration d’appel mais de l’absence de signification d’une déclaration d’appel au sens de ce texte et de l’article 8 de l’arrêté du 20 mai 2020 et que cette sanction n’est pas manifestement disproportionnée par rapport au but poursuivi, de bonne administration de la justice et de respect du principe de sécurité juridique, alors que les parties sont représentées par un avocat dans la procédure et que les dispositions applicables sont claires et prévisibles.
9. En statuant ainsi, alors qu’elle constatait, d’une part, que lorsque le greffe de la cour d’appel avait informé les appelantes que l’intimée n’avait pas constitué avocat dans le délai prescrit et leur avait demandé de procéder par voie de signification conformément aux dispositions de l’article 902, celles-ci ne disposaient pas du fichier récapitulatif à leur nom, dont l’envoi par le greffe est prévu par l’article 8 de l’arrêté du 20 mai 2020, et avaient signifié le seul document qui était en leur possession, d’autre part, que l’intimée avait ensuite constitué avocat et avait ainsi été informée de l’acte d’appel, la cour d’appel a fait preuve d’un formalisme excessif et a violé les textes susvisés ».

Duo d’actes

Comprendre l’enjeu de la question posée, c’est revenir dans le passé. Aussi énigmatique que cela puisse paraître, on sait depuis longtemps maintenant que se côtoient deux actes d’appel : celui établi par l’avocat et adressé via RPVA à la cour, puis celui généré par le greffe, parfois quelques jours plus tard, sur lequel apparaissent le numéro de déclaration d’appel, le numéro de rôle et la chambre de distribution de l’affaire. Pour la Cour de cassation, seule la déclaration d’appel doit faire l’objet d’une signification à l’intimé non constitué, à l’exclusion de tout autre acte, la caducité de la déclaration d’appel ne constituant pas une sanction disproportionnée au regard de l’article 6, § 1er, de la Convention européenne des droits de l’homme (Civ. 2e, 1er juin 2017, n° 16-18.212, Dalloz actualité, 29 juin 2017, obs. R. Laffly ; D. 2017. 2192 , note G. Bolard ; ibid. 2018. 692, obs. N. Fricero ; RDP 2017, n° 07, p. 167, obs. O. Salati ). Disons-le en passant, à l’époque déjà le demandeur au pourvoi reprochait à la cour d’appel un formalisme excessif…

Mais du premier...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :