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Fouille intégrale en détention et cumul de sanctions : bis repetita placent

La fouille intégrale d’une personne détenue est justifiée par une présomption d’infraction. Le cas échéant, le retrait d’une mesure d’aménagement de peine peut être prononcé conjointement à des sanctions pénales pour des faits commis au cours de l’exécution de cette mesure sans méconnaître la règle ne bis in idem.

par Warren Azoulayle 17 mai 2018

S’il ressort des travaux préparatoires à la loi pénitentiaire de 2009 (Loi no 2009-1436 du 24 nov. 2009) que le législateur aspirait à mieux encadrer les fouilles en milieu carcéral en raison, notamment, de leur nature attentatoire aux libertés individuelles, à l’intimité de la personne et à sa dignité (V. Sénat, Projet de loi, no 495, 28 juill. 2008, p. 20), l’Union syndicale des magistrats relevait en revanche que la modification de leur régime ne semblait avoir eu aucune incidence sur leur fréquence, et déplorait le fait que « la loi ne soit pas appliquée » (V. USM, Bilan d’application de la loi pénitentiaire, 15 mai 2012, p. 16). Les sénateurs opéraient le même constat et relevaient que malgré les limitations apportées par l’article 57 de cette réforme, les fouilles « demeurent largement pratiquées » (V. Sénat, Rapport d’information, no 629, 4 juill. 2012, Dalloz actualité, 16 juill. 2012, obs. E. Allain ), la loi ne parvenant donc pas « à faire partout évoluer les pratiques pénitentiaires » (Dalloz actualité, 17 juin 2013, obs. M. Léna isset(node/160299) ? node/160299 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>160299).

En l’espèce, à la suite d’un parloir avec sa mère, un individu incarcéré faisait l’objet d’une fouille intégrale. Retrouvé en possession de produits stupéfiants, il était poursuivi de ce chef. Bien que la juridiction de premier degré faisait droit à son exception de nullité, les juges d’appel considéraient pour leur part que la fouille avait été réalisée sans méconnaître les articles 57 de la loi pénitentiaire et R. 57-7-80 du code de procédure pénale, et qu’elle était conforme à une note de service prise le 27 mai 2014 par le chef d’établissement énonçant que les personnes détenues peuvent être fouillées à l’issue d’un parloir « sur la base d’un comportement suspect par l’agent affecté audit parloir ». Le juge de l’application des peines (JAP) prononçait à son encontre le retrait d’une mesure de placement à l’extérieur dont il bénéficiait, et il était condamné au paiement d’une amende de 800 €. Il formait un pourvoi devant la Cour de cassation à l’appui de deux moyens.

Il avançait d’abord que la décision de procéder à sa fouille n’était pas circonstanciée. Son argument était battu en brèche par la juridiction suprême, laquelle rétorquait qu’une présomption d’infraction suffisait à l’ordonner, et qu’elle était donc non seulement justifiée, mais également individualisée, adaptée, et réalisée de manière régulière.

En effet, l’article R. 57-7-80 du code de procédure pénale prévoit qu’une personne détenue peut être fouillée dès lors qu’elle est suspectée d’être en possession, entre autres, de substances prohibées. L’article 57 de la loi pénitentiaire prévoit quant à lui cette possibilité en raison d’une simple présomption d’infraction. Pour autant, le législateur a selon toute apparence considéré qu’il était superfétatoire tant d’exiger que soit rapportée la caractérisation de cette présomption, que d’en poser une définition légale. C’est alors à la jurisprudence que revient le soin de tracer les contours du concept indéterminé qu’est la « présomption », et la notion reste en l’espèce assez brumeuse. Par ailleurs, quand bien même les juges du droit auraient-ils considéré que la fouille revêtait un caractère irrégulier, aucune nullité textuelle n’est prévue pour sanctionner un tel manquement. Partant, la chambre criminelle a déjà été amenée à écarter les moyens d’individus ayant fait l’objet de fouilles corporelles irrégulières dès lors que la méconnaissance, en l’occurrence l’absence de signature du procès-verbal relatant la fouille par les intéressés, n’avait pas eu pour effet de porter atteinte à leurs intérêts (Crim. 28 févr. 2012, no 11-86.953). Enfin, il n’est pas certain que le critère d’ « impératif convaincant » exigé par la Cour européenne des droits de l’homme pour justifier de telles fouilles soit moins abscons (CEDH 20 janv. 2011, Shennawy c/ France, req. no 51246/08, Dalloz actualité, 14 févr. 2011, obs. L. Priou-Albert ; ibid. 1993, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2011. 1306, obs. J.-P. Céré, M. Herzog-Evans et E. Péchillon ; AJ pénal 2011. 88 , note M. Herzog-Evans ; RFDA 2012. 455, chron. H. Labayle, F. Sudre, X. Dupré de Boulois et L. Milano ; RSC 2011. 704, obs. D. Roets ).

En second lieu, il arguait que la double sanction qu’est la suppression du régime de placement à l’extérieur par le JAP d’une part, et le prononcé d’une amende d’autre part, était contraire au principe non bis in idem tel que prévu par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 4 de son protocole additionnel no 7. En réplique, la chambre criminelle confirmait la position du second degré en ce que la première sanction ne se veut être qu’une modalité d’exécution de peines d’emprisonnement dont la nature juridique est différente, et dont le but poursuivi est dissemblable à celui de santé publique tenant à la prohibition de la détention de produits stupéfiants. Le principe de non-cumul des peines ne faisait donc aucunement obstacle au prononcé des deux sanctions. Cette position n’est pas nouvelle et s’inscrit dans la lignée d’une pléthore de décisions rendues par la Cour de cassation. À titre d’illustration, il était énoncé que le cumul d’un retrait de crédit de réduction de peine et d’une sanction disciplinaire ne méconnaît pas le principe selon lequel on ne peut être puni à deux reprises à raison des mêmes faits (Crim. 16 nov. 2016, no 15-87.121), ces mesures n’ayant ni le même objet ni la même nature. De façon plus topique, il a été considéré qu’une sanction de placement en cellule disciplinaire, en ce qu’elle s’analyse en une modalité d’exécution d’un emprisonnement antérieurement prononcé, et le retrait d’un crédit de réduction de peine, peuvent se combiner en ce qu’elles n’ont ni la même nature juridique, ni ne tendent au même but, la première assurant la tranquillité et la sécurité de l’établissement pénitentiaire, et la seconde participant à l’application individualisée de la peine. Il est alors possible de cumuler une sanction pénale, un retrait de crédit de réduction de peine, et une sanction disciplinaire (Crim. 10 janv. 2017, no 15-85.519, Dalloz actualité, 14 févr. 2017, obs. C. Fonteix ; D. 2017. 162 ; ibid. 1274, obs. J.-P. Céré et M. Herzog-Evans ; ibid. 1676, obs. J. Pradel ; ibid. 2501, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et E. Tricoire ; AJ pénal 2017. 145, obs. J. Falxa ; 22 juin 2016, no 15-87.418 ; 15 avr. 2015, no 14-80.417, Dalloz actualité, 19 mai 2015, obs. M. Léna ; ibid. 2465, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, M.-H. Gozzi et S. Mirabail ; AJ pénal 2015. 444, obs. J. Falxa ; ibid. 562 ; 26 févr. 2014 no 12-86.227, inédit, RTD eur. 2015. 348-30, obs. B. Thellier de Poncheville ).

Si la réponse du juge judiciaire sur cette question semble redondante, et que la position de la chambre criminelle paraît indéracinable, la doctrine a pu souligner que cette situation est « pour le moins dérangeante » en droit français en ce qu’une personne détenue commettant une faute disciplinaire peut se voir cumuler « de deux à cinq sanctions » (AJ pénal 2016. 500, obs. M. H.-Evans), les juridictions françaises cherchant avant tout « à protéger le droit français qui viole la plupart des règles du procès équitable » (ibid.).