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La fraude au sens de l’article L. 650-1 du code de commerce : une lézarde ou une brèche ?

En affirmant solennellement et sans surprise, que constitue un acte frauduleux, au sens de l’article L. 650-1 du code de commerce, celui réalisé en utilisant des moyens déloyaux destinés à surprendre un consentement, à obtenir un avantage matériel ou moral indu, ou réalisé avec l’intention d’échapper à l’application d’une loi impérative ou prohibitive, la Cour de cassation retient une définition restrictive de la fraude rendant sa démonstration en pratique excessivement difficile.

Qu’est-ce que la fraude au sens de l’article L. 650-1 du code de commerce ? Une des trois lézardes qui zèbrent le mur qu’érige ce texte. Un mur qui tient bon : il contient l’essentiel des actions en responsabilité contre les créanciers à raison des préjudices subis du fait des concours consentis au débiteur défaillant. Et cela ne changera pas. Car si la Cour de cassation entérine ici une certaine définition de la fraude, ce qui est heureux, la lézarde ne devient pas brèche, ce qui l’est moins.

Les faits de l’espèce ayant donné lieu à cette importante solution sont assez classiques. Entre 1998 et 2009, une banque octroie divers concours à une EARL. Le 14 mars 2008, celle-ci souscrit encore un billet à ordre d’un montant de 440 000 €, impayé à son échéance le 15 avril suivant. Le signe de difficultés ? Peut-être. Les 2 mai et 31 juillet 2009, la banque consent aux époux X. deux prêts relais, de 273 000 € et 400 000 €, garantis par une hypothèque, dans l’attente de la vente d’un bien du couple. Ce n’est que le 30 mai 2012 que l’EARL est mise en redressement judiciaire, la banque déclarant sa créance à la procédure. Le 19 janvier 2013, la procédure est étendue à M. X. (C. com., art. L. 621-2, al. 2). Près d’un an plus tard, un plan de redressement est arrêté. Le 6 janvier 2017, le commissaire à l’exécution du plan désigné assigne la banque en responsabilité pour « soutien abusif » de l’EARL à compter de mai 2009. L’action est initiée par le commissaire à l’exécution du plan, titulaire du droit d’agir au titre de l’article L. 650-1 du code de commerce. Il se sent suffisamment « armé » pour briser le mur que ce texte dresse contre les actions en responsabilité au titre du « soutien abusif ». À raison car la cour d’appel juge recevable sa demande et y fait droit : elle ordonne l’annulation de l’hypothèque conventionnelle et une expertise pour statuer sur le préjudice subi. Pourquoi ? En substance, car le « soutien abusif » est établi – les concours sont donc fautifs – et la banque par ailleurs auteur d’actes frauduleux. C’est précisément cette notion qui est au cœur du pourvoi qu’elle forme : selon la banque, la fraude n’est pas caractérisée in casu. Si la Cour de cassation lui donne raison et casse l’arrêt d’appel, sa solution dépasse le cadre de l’espèce. La Haute juridiction saisit en effet l’occasion de consacrer formellement une définition de la fraude au sens de l’article L. 650-1 avant d’en contester l’existence dans les faits.

La fraude dans le texte

« Constitue un acte frauduleux, au sens de [l’art. L. 650-1 c. com.], celui réalisé en utilisant des moyens déloyaux destinés à surprendre un consentement, à obtenir un avantage matériel ou moral indu, ou réalisé avec l’intention d’échapper à l’application d’une loi impérative ou prohibitive ». Il s’agit d’établir la généalogie de cette définition avant d’en examiner le contenu.

Généalogie de la définition

Nul besoin, a priori, de longues recherches pour établir la généalogie de cette définition de la fraude : n’était-elle pas inscrite dans un important arrêt du 16 octobre 2012 (Com. 16 oct. 2012, n° 11-22.993, B, Dalloz actualité, 25 oct....

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