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Fraude fiscale : absence de sursis à statuer en cas de procédure pendante et imposition du contribuable pour les bénéfices perçus par sa société étrangère

Après avoir rappelé qu’en présence d’une décision non définitive déchargeant le prévenu de l’impôt pour un motif de fond, le juge pénal peut exceptionnellement recourir au sursis en cas de risque sérieux de contrariété de décisions, la Cour de cassation précise que l’article 155 A, I, du code général des impôts est applicable au contribuable s’agissant des bénéfices perçus par sa société domiciliée à l’étranger, et ce, quand bien même ce contribuable n’aurait pas appréhendé les sommes issues de la fraude fiscale.

par Julie Galloisle 7 mai 2021

En novembre 2014, sur avis conforme de la commission des infractions fiscales, l’administration fiscale dépose plainte contre un couple, lequel est cité à comparaître devant le tribunal correctionnel pour s’être frauduleusement soustrait à l’établissement et au paiement de l’impôt sur le revenu dû au titre des années 2009, 2010 et 2011. Il est reproché aux époux de s’être abstenu de souscrire dans les délais requis des déclarations des bénéfices non commerciaux, et plus exactement de ne pas avoir déclaré les redevances versées par une première société, la société Aroma Thera devenue par la suite Laboratoire Puressentiel, laquelle avait été fondée par eux, au profit d’une seconde, la société Sisig, bénéficiaire des droits d’exploitation des marques et brevets de la gamme Puressentiel exploités par la première société avant leur cession en 2008 et contrôlée de fait par l’épouse.

En première instance, les époux sont relaxés mais le ministère public et l’administration fiscale interjettent appel. Par arrêt du 22 novembre 2019, la cour d’appel de Versailles infirme le jugement et juge le délit de fraude fiscale caractérisé. Le couple forme alors un pourvoi en cassation.

Les époux soulèvent tout d’abord deux demandes de sursis à statuer, sans succès toutefois. 

La première repose sur l’existence d’une procédure pendante devant le juge de l’impôt tendant à une décharge de l’imposition pour un motif de fond. La chambre criminelle rappelle que, dans son principe, le juge pénal n’a pas à surseoir à statuer jusqu’à la décision définitive du juge de l’impôt (déjà en ce sens, Crim. 11 janv. 2006, n° 05-82.674, Bull. crim. 2006, n° 16 ; D. 2006. 532 ; AJ pénal 2006. 171, obs. C. Saas ; RTD com. 2006. 686, obs. B. Bouloc ; 11 sept. 2019, n° 18-81.980, à paraître au Bulletin, AJ pénal 2019. 562, obs. J. Lasserre Capdeville ; ibid. 564, obs. M. Lassalle ; Rev. sociétés 2020. 251, note J.-H. Robert ; RSC 2020. 123, obs. R. Parizot ). Pour autant, cette position ne doit pas conduire à contredire le principe ne bis in idem, applicable en matière de sanctions fiscales et pénales, tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel avec ses réserves, dont celle interdisant précisément de condamner pénalement un contribuable qui a été déchargé de l’impôt par une décision juridictionnelle devenue définitive pour un motif de fond pour fraude fiscale. (Cons. const. 24 juin 2016, nos 2016-545 QPC et 2015-546 QPC, Dalloz actualité, 27 juin 2016, obs. J. Gallois ; D. 2016. 2442 , note O. Décima ; ibid. 1836, obs. C. Mascala ; ibid. 2017. 1328, obs. N. Jacquinot et R. Vaillant ; AJ pénal 2016. 430, obs. J. Lasserre Capdeville ; Constitutions 2016. 361, Décision ; ibid. 436, chron. C. Mandon ; RSC 2016. 524, obs. S. Detraz ; 22 juill. 2016, n° 2016-556 QPC, D. 2016. 1569 ; 23 nov. 2018, n° 2018-745 QPC, AJDA 2019. 1803, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2018. 2237, et les obs. ; ibid. 2019. 439, point de vue J. Roux ; ibid. 2320, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et E. Tricoire ; Constitutions 2018. 465, Décision ). Le Conseil constitutionnel a en effet judicieusement réservé ce cas dans le but d’éviter de juger deux fois le même contribuable pour les mêmes faits, et ce, de manière contradictoire (pour un ex., Crim. 31 mai 2017, n° 15-82.159, à paraître au Bulletin, Dalloz actualité, 21 juin 2017, obs. J. Gallois). Aussi, la Cour de cassation rappelle qu’en cas de demande de décharge de l’imposition pour un motif de fond, le juge répressif peut exceptionnellement recourir au sursis en cas de risque sérieux de contrariété de...

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