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Fraude fiscale : les députés renforcent la justice et l’administration

Dans un climat apaisé, l’Assemblée a débattu du projet de loi de lutte contre la fraude. Si l’article central est l’aménagement du verrou de Bercy, d’autres dispositions ont été très discutées, notamment sur la sanction des cabinets de conseil. Le scrutin solennel aura lieu mercredi.

par Pierre Januelle 21 septembre 2018

C’est à l’unanimité (112 pour, 5 abstentions) que les députés ont réformé le verrou de Bercy (v. Dalloz actualité, 27 juill. 2018, art. P. Januel isset(node/191883) ? node/191883 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>191883) faisant suite à la mission d’information sur le sujet (v. Dalloz actualité, 23 mai 2018, art. P. Januel isset(node/190748) ? node/190748 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>190748). Le dépôt de plainte sera automatique si les droits fraudés sont supérieurs à 100 000 € et s’il y a eu abus de droit, manœuvre frauduleuse ou omission volontaire en récidive. La plainte restera possible dans les autres cas, après avis de la commission des infractions fiscales. Pour les élus et hauts fonctionnaires, le dépôt de plainte sera automatique, dès le premier euro. Ces seuils ont été discutés, certains groupes voulant aller plus loin. La rapporteure Émilie Cariou a convenu qu’il s’agissait d’un compromis, susceptible d’évoluer après évaluation de la loi.

Par ailleurs, le projet de loi facilite les procédures négociées en matière administrative (l’administration pourra transiger même pour un dossier pénalisable) ou judiciaire (CRPC et CJIP). Le but est d’absorber le contentieux supplémentaire avec une procédure adaptée aux cas où le fraudeur a régularisé sa situation. Ces procédures encouragent également la coopération des personnes poursuivies.

La sanction administrative des cabinets de conseil

Disposition contestée, l’article 7 crée une amende administrative sanctionnant d’au moins 10 000 € la fourniture par un cabinet de conseil d’une prestation ayant facilité une fraude fiscale ou sociale. Les professions réglementées se sont fortement mobilisées contre cet article.

Elles avaient obtenu raison en commission des lois : le rapporteur pour avis Jean Terlier, la whip Naïma Moutchou et Stéphane Mazars (tous trois LREM et ex-avocats) avaient fait adopter des amendements pour limiter l’amende aux cas de condamnations judiciaires définitives du fraudeur. Mais cette commission n’était saisie que pour avis. Autre lieu, autre logique, lors de l’étude en commission des finances, cette position s’est fait écraser. Les députés sont même allés plus loin en proposant de sanctionner un cabinet même sans sanction administrative définitive du fraudeur.

En séance, le débat reprend avec une forte mobilisation des députés avocats. Pour la députée LREM Alice Thourot, cet article « porte atteinte au secret professionnel puisqu’il prévoit que le conseil peut, pour échapper à la sanction administrative, divulguer les notes qu’il a pu prodiguer ». Elle veut réserver l’amende aux cas où le fraudeur a été sanctionné d’une condamnation pénale. En réponse, la rapporteure souligne que le secret professionnel restera opposable, que la prestation devra être intentionnelle et que la liste des manœuvres est limitativement énumérée. Mais il n’est « pas acceptable d’attendre une décision juridictionnelle qui n’arrivera peut-être jamais », tous les dossiers n’étant pas judiciarisables. Au final, la discipline du groupe a prévalu, certains signataires des amendements se retirant de l’hémicycle juste avant le vote.

Rémunération des indicateurs, transmission par les plateformes

Un amendement communiste va pérenniser le dispositif de rémunération des aviseurs (indicateurs), expérimenté depuis 2017. Le ministre Gérald Darmanin a indiqué que soixante et une demandes de rémunération ont déjà été reçues. Trente-neuf d’entre elles ont été classées sans suite, vingt dossiers sont en cours et un aviseur a déjà été indemnisé (pour une somme conséquente). 86 millions d’euros de droits et de pénalités ont été notifiés à la suite des contrôles permis par ces informations.

Les opérateurs de plateformes numériques ne devront transmettre au fisc les informations d’un utilisateur que si celui-ci procède à un nombre de transactions et une somme dépassant un seuil fixé par arrêté (20 transactions et 3 000 €). Ces transactions restent exonérées d’impôt lorsqu’elles concernent un partage des frais (covoiturage) ou la revente d’un bien personnel d’occasion.

Contre l’avis du gouvernement, le groupe communiste a obtenu la consultation des représentants du personnel sur la politique de prix de transfert et sur les cessions d’actifs d’un groupe. Ont aussi été adoptés des amendements sur l’accès aux données de connexion par les douaniers et aux données des opérateurs téléphoniques par le fisc. Enfin, la directive sur l’échange automatique d’informations dans le domaine fiscal sera transposée par ordonnances, le gouvernement n’étant pas prêt pour le projet de loi des finances 2019.