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Fraude fiscale : les ministres veulent une coopération entre justice et administration

La ministre de la justice et le ministre de l’action et des comptes publics ont diffusé le 7 mars dernier une circulaire commune sur la fraude fiscale. Si cette circulaire revient sur l’assouplissement du verrou de Bercy, elle insiste surtout sur la nécessité d’une meilleure coopération entre les magistrats et l’administration fiscale.

par Pierre Januelle 19 mars 2019

La circulaire revient tout d’abord sur l’aménagement du verrou de Bercy par la loi du 23 octobre 2018 (v. Dalloz actualité, 27 juill. 2018, art. P. Januel isset(node/191883) ? node/191883 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>191883) : l’avis de la Commission des infractions fiscales (CIF) ne sera plus indispensable et certaines dénonciations deviennent obligatoires. Les dénonciations seront effectuées au cours de la première quinzaine de chaque trimestre suivant celui de la mise en recouvrement. Si l’administration se constituera systématiquement partie civile lorsqu’elle aura déposé plainte, s’agissant des cas de dénonciation obligatoire, elle le fera au cas par cas.

Lorsque la constatation de l’infraction a été réalisée par une direction nationale, celle-ci pourra dorénavant directement déposer plainte, sans passer par une direction départementale des finances publiques. De plus, la circulaire rappelle que la loi permet à nouveau à l’administration de transiger dans tous les dossiers de fraude fiscale : toutefois, la transaction conclue sera sans incidence sur la procédure judiciaire, le procureur de la République demeurant libre de procéder à des poursuites. La justice devra être informée de chaque transaction administrative.

Un renforcement de la coopération

La mission parlementaire sur le verrou de Bercy avait insisté sur le manque de coopération entre justice et administration (v. Dalloz actualité, 23 mai isset(node/190748) ? node/190748 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>190748 et 4 avr. isset(node/190027) ? node/190027 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>190027 2018, art. P. Januel). Ainsi, en 2015, seuls 1 500 dossiers avaient été transmis au fisc par la justice à l’occasion d’affaires révélées dans les procédures civiles ou pénales. Pourtant, 58 % des dossiers ainsi signalés avaient conduit à des taxations, représentant 742 millions d’euros. Or la délinquance a souvent un aspect fraude fiscale (abus de biens sociaux, escroqueries, détournements, vols).

Cette circulaire souhaite répondre à ces lacunes dans la coopération. La circulaire rappelle tout d’abord que les agents des finances publiques sont dorénavant déliés du secret fiscal à l’égard du procureur de la République. Ils pourront s’entretenir, en amont, de l’opportunité d’un traitement judiciaire de tout dossier. La circulaire rappelle qu’au titre de l’article 40, les agents doivent informer leur hiérarchie de tout délit découvert lors de contrôles fiscaux. La hiérarchie procédera à leur signalement au parquet, sans attendre la fin de la procédure fiscale (précédé éventuellement d’échanges informels avec l’autorité judiciaire pour lui présenter les faits).

Dans l’autre sens, l’autorité judiciaire doit communiquer à l’administration toute indication de nature à faire présumer une fraude fiscale (recours massif à des cartes prépayées ou à des espèces, comptes non déclarés, détournement de patrimoines). Les ministres veulent une fiscalisation rapide des informations ainsi recueillies. Pour les dossiers urgents, les magistrats indiqueront à l’administration le souhait d’un traitement accéléré, avec un délai souhaité. En retour, l’administration devra systématiquement informer des suites données par ses services.

Des outils sont mis en place pour institutionnaliser les échanges. Des tableaux de suivi dématérialisé d’échanges d’informations entre parquet et administration fiscale locale seront partagés pour permettre à chaque institution de renseigner les évolutions de sa procédure. Des « référents fraude fiscale » seront systématisés dans les parquets et parquets généraux : ils seront les interlocuteurs habituels des représentants de partie civile de l’administration fiscale. De plus, un comité de suivi des échanges (au moins annuel) entre le procureur de la République et les directions territoriales sera mis en place. Ces échanges seront déclinés nationalement par une rencontre annuelle des procureurs généraux et des directeurs des finances publiques.