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La loi n° 2021-403 du 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en prison a été publiée au Journal officiel du 9 avril 2021.
par Dorothée Goetzle 13 avril 2021

Le 30 janvier 2020, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) rendait une importante décision dans laquelle elle condamnait la France pour conditions de détention indignes. Dans cette décision, rendue au visa de l’article 46 de la Convention européenne des droits de l’homme, les juges strasbourgeois recommandaient à la France d’adopter les trois mesures suivantes : supprimer le surpeuplement carcéral, améliorer les conditions de détention et établir un recours préventif (CEDH 30 janv. 2020, n° 9671/15, Dalloz actualité, 6 févr. 2020, par E. Sénna).
Quelques mois plus tard, le 2 octobre 2020, le Conseil constitutionnel censurait le second alinéa de l’article 144-1 du code de procédure pénale. Les Sages remarquaient que, si la personne placée en détention provisoire pouvait à tout moment former une demande de mise en liberté, le juge n’était tenu d’y donner suite que dans les cas prévus au second alinéa de l’article 144-1 du code de procédure pénale. Or ces cas concernaient l’hypothèse dans laquelle la détention provisoire excédait une durée raisonnable, au regard de la gravité des faits reprochés et de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité, et celle dans laquelle la détention n’était plus justifiée. Le Conseil constitutionnel en concluait qu’« aucun recours devant le juge judiciaire ne permet au justiciable d’obtenir qu’il soit mis fin aux atteintes à sa dignité résultant des conditions de sa détention provisoire » (AJDA 2020. 1881, obs. J.-M. Pastor ). Les effets de cette déclaration d’inconstitutionnalité avaient été reportés au 1er mars 2021 (Cons. const. 2 oct. 2020, n° 2020-858/859 QPC, JO 3 oct. ; Dalloz actualité, 9 oct. 2020, obs. F. Engel ; ibid., 23 sept. 2020, par J. Mucchielli ; AJDA 2020. 1881
; ibid. 2158
, note J. Bonnet et P.-Y. Gahdoun
; D. 2021. 57, et les obs.
, note J. Roux
; ibid. 2020. 2056, entretien J. Falxa
; ibid. 2367, obs. G. Roujou de Boubée, C. Ginestet, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et E. Tricoire
; AJ fam. 2020. 498, obs. L. Mary
; AJ pénal 2020. 580, note J. Frinchaboy
; RFDA 2021. 87, note J.-B. Perrier
). Le gouvernement pensait introduire cette réforme dans le projet de loi Parquet européen, mais il s’était fait refuser l’amendement comme cavalier législatif (v. Dalloz actualité, 8 mars 2021, art. P. Januel ; CE 19 oct. 2020, req. n° 439372, Dalloz actualité, 22 oct. 2020, par M.-C. de Montecler). Une proposition de loi était alors déposée le 11 février 2021 et le gouvernement engageait la procédure accélérée le 18 février.
In fine, ce texte offre aux détenus la possibilité de saisir un juge lorsqu’ils estiment que leurs conditions d’incarcération sont contraires au respect de leur dignité. Dans son article unique, la loi énonce en effet que « toute personne détenue dans un établissement pénitentiaire qui considère que ses conditions de détention sont contraires à la dignité de la personne humaine peut saisir le juge des libertés et de la détention, si elle est en détention provisoire, ou le juge de l’application des peines, si elle est condamnée et incarcérée en exécution d’une peine privative de liberté, afin qu’il soit mis fin à ces conditions de détention indignes ». Les intéressés devront apporter au magistrat des éléments suffisants et circonstanciés à l’appui de leur requête. Si la requête du détenu est jugée recevable, l’administration pénitentiaire devra mettre fin « par tout moyen » à ces conditions de détention dégradantes dans un délai d’un mois. Une des solutions proposées par la loi est le transfèrement du détenu vers un autre établissement pénitentiaire. Il est en effet indiqué que l’administration pénitentiaire peut « transférer la personne dans un autre établissement pénitentiaire ». Le législateur prévoit aussi deux autres possibilités :
• la mise en liberté immédiate, le cas échéant sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence sous surveillance électronique si la personne est en détention provisoire,
• et le prononcé d’une des mesures prévues au III de l’article 707 du code de procédure pénale si la personne est définitivement condamnée et si elle est éligible à ces mesures (semi-liberté, placement à l’extérieur, détention à domicile sous surveillance électronique, libération conditionnelle, libération sous contrainte).
Le texte précise que le juge peut refuser l’octroi de cette dernière possibilité si la personne s’est opposée à un transfèrement qui lui a été proposé par l’administration pénitentiaire, sauf s’il s’agit d’un condamné et si ce transfèrement aurait causé, eu égard au lieu de résidence de sa famille, une atteinte excessive au droit au respect de sa vie privée et de sa vie familiale.
Il faut observer que, dans son arrêt du 30 janvier 2020, la CEDH n’a pas seulement condamné la France pour l’absence de recours effectif mais, plus fondamentalement, pour les conditions de détention inhumaines et dégradantes des requérants. Ces conditions de détention étaient liées à la surpopulation carcérale, dont la Cour exigeait, dans cet arrêt, la « résorption définitive ». Sur cet aspect, le transfert d’un établissement pénitentiaire à un autre ne peut pas constituer une solution efficace. Dans sa déclaration du 25 mars 2021, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) indique que, « dans la mesure où les conditions de détention indignes sont directement liées à la surpopulation carcérale, les mesures à privilégier devraient être, pour les prévenus, la remise en liberté́ immédiate, le cas échéant sous contrôle judiciaire ou surveillance électronique ; et pour les condamnés, le prononcé d’un aménagement de peine s’ils y sont éligibles ». Pour la CNCDH, le législateur se contente, avec cette loi, de « combler un vide juridique » sans s’attaquer au problème de fond : celui de la surpopulation carcérale dans les prisons françaises.
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