Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Garde à vue : droit de ne pas s’auto-incriminer par des déclarations spontanées et d’être assisté d’un avocat

Il ne peut être dressé procès-verbal des déclarations spontanées d’un gardé à vue, seul avec les enquêteurs, sous peine de méconnaître ses droits au silence et à l’assistance d’un conseil

par Warren Azoulayle 18 mai 2017

Consacré de longue date par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) au nom du droit au procès équitable (Conv. EDH, art 6), le droit de garder le silence, notamment en garde à vue, a rencontré des difficultés à s’enraciner dans le dispositif pénal français (Rép. pén., Question prioritaire de constitutionnalité, par A. Cappello, n° 271). Instauré par la « loi Guigou » (L. n° 2000-516, 15 juin 2000), puis supprimé par la loi pour la sécurité intérieure (L. n° 2003-239, 18 mars 2003), en passant par une reconnaissance constitutionnelle limitée à la garde à vue (Cons. const. 30 juill. 2010, n° 2010-14/22 QPC, AJDA 2010. 1556 ; D. 2010. 1928, entretien C. Charrière-Bournazel ; ibid. 1949, point de vue P. Cassia ; ibid. 2254, obs. J. Pradel ; ibid. 2696, entretien Y. Mayaud ; ibid. 2783, chron. J. Pradel ; ibid. 2011. 1713, obs. V. Bernaud et L. Gay ; AJ pénal 2010. 470, étude J.-B. Perrier ; Constitutions 2010. 571, obs. E. Daoud et E. Mercinier ; ibid. 2011. 58, obs. S. de La Rosa ; RSC 2011. 139, obs. A. Giudicelli ; ibid. 165, obs. B. de Lamy ; ibid. 193, chron. C. Lazerges ; RTD civ. 2010. 513, obs. P. Puig ; ibid. 517, obs. P. Puig ), il faudra attendre la loi relative à la garde à vue de 2011 (L. n° 2011-392, 14 avr. 2011) pour le voir réapparaître lors de cette mesure, et la loi du 27 mai 2014 (L. n° 2014-535, 27 mai 2014) pour qu’il soit étendu à l’ensemble de la procédure pénale. Corollaire du droit de se taire, celui de ne pas participer à sa propre incrimination est pour sa part strictement lié au principe de présomption d’innocence mais n’a toujours pas connu de consécration textuelle par le législateur, lui conférant par là même le caractère de droit « aux contours flous » (Crim. 24 févr. 2009, n° 08-84.410, Dalloz actualité, 3 avr. 2009, obs. M. Léna ; RSC 2009. 923, obs. J.-F. Renucci ; RTD com. 2009. 636, obs. B. Bouloc ) dont la Cour de cassation précise le périmètre en l’occurrence.

En l’espèce, un individu était interpellé sur la voie publique avec une arme à la main et des témoins alléguaient qu’il avait tiré sur un homme. Placé en garde à vue, celui-ci était avisé de ses droits et demandait l’assistance d’un avocat, y compris lors de ses auditions et confrontations. Il s’entretenait avec lui. Puis, alors que les enquêteurs le ramenaient au commissariat après qu’une perquisition ait été réalisée à son domicile, ce dernier faisait des déclarations spontanées par lesquelles il expliquait la manière dont il avait acquis l’arme. Il expliquait également aux enquêteurs avoir tiré involontairement sans viser la victime. Les policiers dressaient procès-verbal, mentionnant les déclarations du mis en cause.

Mis en examen par le magistrat instructeur et acquérant par là tous les droits procéduraux de son statut, il déposait une requête en annulation de pièces de procédure et, notamment, du procès-verbal de mention de ses déclarations. La chambre de l’instruction accédait à sa requête au regard du droit de ne pas s’auto-incriminer, lequel est consacré par la jurisprudence européenne depuis une décision déjà ancienne (CEDH 25 févr. 1993, Funke c/ France, req. n° 10828/84, AJDA 1993. 483, chron. J.-F. Flauss ; D. 1993. 457 , note J. Pannier ; ibid. 387, obs. J.-F. Renucci ; RFDA 1994. 1182, chron. C. Giakoumopoulos, M. Keller, H. Labayle et F. Sudre ; RSC 1993. 581, obs. L.-E. Pettiti ; ibid. 1994. 362, obs. R. Koering-Joulin ; ibid. 537, obs. D. Viriot-Barrial ; JCP 1993. II. 22073, note Garnon), et au regard du droit de ne pas être entendu en l’absence de son avocat (C. pr. pén., art. 64-3-2). En outre, l’individu gardé à vue n’avait pas renoncé à son avocat de manière non équivoque, modalité d’expression du refus d’être assisté déjà posée par la jurisprudence de Strasbourg (CEDH, 2e sect., 1er déc. 2009, Ahmet Engin Satir c/ Turquie, req. n° 17879/04, Dr. pénal 2010. 7, obs. Lesclous). Enfin, les déclarations faites hors procès-verbal d’audition, seul avec les enquêteurs, et sans circonstance exceptionnelle insurmontable empêchant de recueillir ses propos dans les locaux du commissariat, méconnaissaient les droits du gardé à vue.

Le parquet général formait un pourvoi devant la Cour de cassation qu’elle rejetait, la juridiction retenant l’absence de raison impérieuse permettant aux enquêteurs de recueillir les...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :