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Le genre dans le parcours d’AMP mis à l’épreuve devant le Conseil d’État

Le Conseil d’État rejette la requête d’une association dénommée « Groupe d’information et d’action sur les questions procréatives et sexuelles » en annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2021-1243 du 28 septembre 2021 fixant, en application de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, les conditions d’organisation et de prise en charge des parcours d’assistance médicale à la procréation.

Les prémices

L’arrêt rapporté du Conseil d’État du 22 mars 2024, en ce qu’il rejette la requête du Groupe d’information et d’action sur les questions procréatives et sexuelles (GIAPS) demandant l’annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2021-1243 du 28 septembre 2021 fixant les conditions d’organisation et de prise en charge des parcours d’assistance médicale à la procréation, mettra-t-il fin à une saga bioéthique dont le script, il faut bien le reconnaître, a été inspiré par le législateur lui-même comme par le pouvoir réglementaire ?

En ouvrant l’assistance médicale à la procréation (AMP) à des couples de femmes ou à des femmes seules mais non aux couples d’hommes ou aux hommes seuls, la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique a bel et bien introduit une différence de traitement fondée sur le sexe, laquelle n’a pas fait l’unanimité même si elle s’explique par le souci d’éviter une légalisation de la gestation pour autrui (GPA) comme moyen de satisfaire des demandes d’hommes ou de couples d’hommes. Cela devait en tout cas soulever, parmi les nombreux problèmes posés par le nouveau périmètre de l’AMP, celui de la revendication des personnes transgenres à un accès à l’AMP, qu’elles soient seules ou vivant en couple, surtout lorsqu’elles ont conservé leurs capacités reproductrices ou gestationnelles. On songe en particulier au cas des femmes devenues hommes, et à cette figure possible d’un nouveau genre : l’« homme enceint ».

Cela dit, l’article L. 2141-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi du 2 août 2021, réserve l’accès à l’AMP à « tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes » ou à « toute femme non mariée ». Ce texte peut difficilement être compris comme permettant aux personnes transgenres d’accéder à l’AMP. La question a certes été évoquée lors des travaux préparatoires de la loi, par voie d’amendement, mais le gouvernement, à l’époque, n’a pas souhaité pareille ouverture. Ainsi, un homme devenu femme ne doit pas pouvoir accéder à une AMP, fût-ce avec ses propres gamètes, pas plus qu’une femme devenue homme, en couple ou seule, ne doit pouvoir porter un enfant conçu par AMP. Telle est la volonté du législateur. Mais sur quel critère ? La mention d’homme et de femme doit s’entendre au sens de l’état civil a-t-on pu dire.

Critère clair et objectif que celui de la mention du sexe à l’état civil ? Le bât blesse à cet égard. Car depuis une loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice au XXIe siècle, une modification de la mention du sexe à l’état civil peut aisément être obtenue en justice sans avoir à subir de traitements médicaux, d’opération chirurgicale ou de stérilisation, dans les conditions prévues aux articles 61-5 et 61-6 du code civil. C’est ainsi que des hommes mentionnés comme tels à l’état civil peuvent être biologiquement des femmes ayant conservé leurs capacités gestationnelles et inversement, des femmes à l’état civil peuvent être des hommes capables de produire ou de donner des spermatozoïdes.

Que faire lorsque la mention du sexe à l’état civil trouble à ce point le donné biologique, qu’un homme se présente pour demander le prélèvement de ses ovocytes ou qu’une femme demande le recueil de ses spermatozoïdes ?

Des recours en justice étaient prévisibles. La parution du décret du 28 septembre 2021 d’application de la loi du 2 août 2021 allait en fournir l’occasion. Ce décret enfonçait d’ailleurs le clou en fixant des conditions d’âge pour le prélèvement ovocytaire en visant la « femme », le recueil de spermatozoïdes en visant « l’homme ». Il procédait de la même façon pour l’accès à l’insémination artificielle ou au transfert d’embryons à la suite d’une fécondation in vitro (FIV) en distinguant « la femme, non mariée ou au sein du couple, qui a vocation à porter l’enfant » de l’autre « membre du couple qui n’a pas vocation à porter l’enfant » (CSP, art. R. 2141-36 à R. 2141-38). Cela devait s’entendre comme excluant des personnes ayant changé de sexe à l’état civil du bénéfice de l’autoconservation de gamètes, même pour motif médical, et limitant aux seules personnes nées femmes et mentionnées comme telles à l’état civil la possibilité de bénéficier d’une insémination ou du transfert d’un embryon dans le cadre d’une AMP.

Demande au Conseil d’État de renvoi d’une QPC

Dans un premier temps, le GIAPS a demandé au Conseil d’État, à l’appui de sa requête en annulation pour excès de...

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