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Georges Tron et Brigitte Gruel sont acquittés au bénéfice du doute

Si la contrainte n’est pas établie, les scènes de sexe et le climat « hypersexualisé » sont, selon les juges, avérés.

par Julien Mucchiellile 15 novembre 2018

La cour d’assises de Seine-Saint-Denis, à l’issue de quinze jours d’audience, a rendu un verdict d’acquittement au bénéfice de Georges Tron et de Brigitte Gruel. Le maire de Draveil et son ex-adjointe à la culture ont été reconnus non coupables de l’ensemble des chefs d’accusation dont ils ont dû répondre : viols en réunion et agressions sexuelles pour l’un, complicité de viol et agressions sexuelles pour l’autre. La cour et le jury ont estimé que « les éléments à charge existant contre les accusés étaient insuffisants et que le doute devait leur profiter ». « On ne vous demande pas de le croire, mais de considérer que les preuves sont insuffisantes pour le condamner », avait dit à l’audience, en substance et à plusieurs reprises, Éric Dupond-Moretti.

Mais si Georges Tron et Brigitte Gruel n’ont commis ni viol ni agression sexuelle, la cour a retenu qu’ils avaient « participé à des ébats sexuels en présence de tiers, que les faits dénoncés par Éva Loubrieu et Virginie Ettel s’étaient inscrits dans un climat général hypersexualisé entre Georges Tron et plusieurs de ses collaboratrices, dans la mesure où l’existence de scènes de jeux sexuels impliquant simultanément ce dernier et d’autres personnes », qui ont été décrites lors des débats par deux témoins, a été corroborée par des propos « parfaitement explicites à cet égard » de sa maîtresse avérée et ancienne collaboratrice. « Ce contexte a conduit à estimer avérées les scènes à caractère sexuel évoquées par les plaignantes », dit la motivation de l’arrêt. La cour retient également « la capacité manifeste de Georges Tron à imposer ses volontés comme à exercer des pressions ».

Mais, le cadre ainsi posé, la cour a estimé que la preuve de la contrainte n’avait pas été rapportée par l’accusation. En outre, l’existence même d’une telle situation de contrainte devait être écartée, en raison des nombreux SMS adressés par Éva Loubrieu à Georges Tron, « multipliant les expressions affectueuses », sur une partie de la période couvrant les faits de viols dénoncés par elle. En soutien de ces SMS, une collaboratrice, peu suspecte de complaisance envers Georges Tron, avait noté « un comportement de proximité avec Georges Tron, incompatible avec les faits allégués ». Par ailleurs, « Éva Loubrieu a expliqué avoir fait semblant de jouir durant les ébats évoqués, comportement de nature à permettre aux personnes présentes d’estimer qu’elle était consentante ». Plus cinglant encore : « il a été considéré que les dénonciations d’Éva Loubrieu s’inscrivaient dans une logique de vengeance à la suite de son licenciement de la mairie de Draveil sur le fondement d’un présumé détournement de fonds ».

De Virginie Ettel, la cour et les jurés ont retenu, d’abord, un mensonge. « Elle a d’évidence menti lors des débats sur la relation intime qu’elle entretenait avec un médecin à une époque voisine des faits allégués du 19 novembre 2009. » C’est la rupture, décidée par le chirurgien, qui pourrait expliquer, selon l’explication fournie, la tentative de suicide du 19 novembre 2009. En outre, le fait qu’elle fasse appeler Georges Tron lors de l’intervention des secours afin d’éviter son hospitalisation rend invraisemblables les faits de viols intervenus quelques heures plus tôt. Quant aux faits d’agression sexuelle dont Virginie Ettel estime avoir été victime le 4 janvier 2010 au domicile de Brigitte Gruel, ils ont été appréciés à l’aune de l’inexistence des premiers faits, d’une part, et du cancer imaginaire qu’elle s’était inventé, d’autre part. Et comme pour Éva Loubrieu, il a été retenu que la démarche de Virginie Ettel s’inscrivait dans une « logique de vengeance découlant d’un changement de poste, présenté comme la conséquence de son comportement déplacé lors d’une soirée de vœux au personnel municipal ».

Dans son réquisitoire, l’avocat général avait volontairement délaissé ces éléments, longuement discutés par la défense et notamment par Antoine Vey, et, donc, retenus par le verdict. Il avait préféré axer son propos sur les mécanismes psychologiques, les notions d’emprise et de pouvoir pouvant conduire au viol, plutôt que d’affronter divers éléments matériels qui contrariaient sa théorie et qui ont, in fine, conduit au rejet de son raisonnement.

En somme, la cour d’assises de Bobigny et les six jurés, qui ont écouté les débats durant quinze journées d’audience, ont décidé que toutes les parties avaient menti. Les plaignantes sur les faits allégués, les accusés sur le climat « hypersexualisé » et les scènes sexuelles, qu’ils ont toujours réfutés. Mais il s’agissait bien de faits, que la cour d’assises de Bobigny a jugé et pour laquelle elle a acquitté, jeudi 15 novembre, Brigitte Gruel et Georges Tron. Le parquet a dix jours pour faire appel.