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GPA : adoption plénière par le conjoint du père refusée au nom de l’intérêt de l’enfant

Afin de déterminer si l’adoption plénière d’une enfant née à l’étranger à la suite d’une gestation pour autrui, par l’époux du père, est conforme à son intérêt, le juge doit disposer de toutes les informations utiles relatives à sa naissance et à sa mère biologique.

par Manon Bordele 14 février 2018

En l’espèce, une enfant est née en Inde à la suite d’une gestation pour autrui. Son acte de naissance indien mentionne le nom du père, de nationalités française et bulgare, mais ne porte aucune indication sur le nom de la mère. Le père – qui a reconnu sa fille en Inde, en France et en Bulgarie – a sollicité la transcription de cet acte de naissance auprès du consulat général de France. Ce dernier a tout d’abord saisi, pour instruction, le parquet de Nantes en raison d’indices laissant présumer un recours à un contrat de gestation pour autrui puis a finalement, en 2016, transcrit l’acte sur les registres de l’état civil français.

Par ailleurs, en 2015, le conjoint du père a saisi le tribunal de grande instance de Paris d’une requête en adoption plénière de l’enfant – bien évidemment consentie par le père. Par un jugement du 30 septembre 2015, le tribunal de grande instance de Paris a prononcé l’adoption plénière de l’enfant par le conjoint du père. Mais, de façon prévisible, le ministère public a interjeté appel de cette décision.

On rappellera que par trois arrêts du 5 juillet 2017, la Cour de cassation a admis que l’enfant né à l’étranger à la suite d’une gestation pour autrui puisse être adopté par le conjoint du père biologique (Civ. 1re, 5 juill. 2017, n° 15-28.597, n° 16-16.901 et n° 16-16.455, Dalloz actualité, 6 juill. 2017, art. T. Coustet isset(node/185847) ? node/185847 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>185847).

Dans les deux premiers arrêts elle a ainsi précisé qu’un lien de filiation pouvait être établi entre l’enfant et le conjoint du parent biologique par le biais de l’adoption – sans préciser si elle envisageait ici l’adoption simple ou plénière (Civ. 1re, 5 juill. 2017, n° 12-28.597 et n° 16-16.901). Dans le troisième arrêt, la Cour de cassation a censuré une cour d’appel qui avait rejeté la demande d’adoption simple de l’enfant présentée par l’époux du père. Elle a ainsi jugé que « le recours à la gestation pour autrui à l’étranger ne fait pas, en lui-même, obstacle au prononcé de l’adoption, par l’époux du père, de l’enfant né de cette procréation, si les conditions légales de l’adoption sont réunies et si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant » (Civ. 1re, 5 juill. 2017, n° 16-16.455).

Il ressort de cette jurisprudence que l’adoption simple de l’enfant né à la suite d’une gestation pour autrui, par le conjoint du parent biologique, est désormais possible. L’adoption plénière demeure, en revanche, incertaine. En effet, contrairement à ce qu’affirme le parquet général de la cour d’appel de Paris dans son communiqué de presse, si la Cour de cassation ne l’envisage pas expressément, elle ne l’exclut pas davantage.

Ici, ce n’est qu’au vu des circonstances de fait que la cour d’appel décide de rejeter la demande d’adoption plénière. Elle l’estime, en effet, non conforme à l’intérêt de l’enfant. Elle souligne à ce titre qu’elle ne dispose d’aucune information sur la mère biologique de l’enfant – dont l’identité est pourtant connue par le père – ni d’aucune précision sur les circonstances dans lesquelles la mère aurait remis l’enfant au père et aurait ainsi renoncé, de façon définitive, à tout lien de filiation avec celle-ci.

Or, on le sait, l’adoption plénière a pour effet de rompre tout lien de filiation avec la famille d’origine. Faire droit à la demande d’adoption plénière priverait alors l’enfant de toute possibilité de voir sa mère biologique établir, un jour, un lien de filiation avec elle. Faute de pouvoir s’assurer que la mère a bien consenti à cette adoption ou qu’elle a volontairement décidé de renoncer à tout droit de filiation, la cour d’appel estime qu’il n’est pas dans l’intérêt de l’enfant de prononcer son adoption plénière par le conjoint de son père. C’est donc bien l’incertitude entourant l’intention réelle de la mère qui semble justifier une telle décision.

Dès lors, un acte rédigé par la mère biologique juste après la naissance de l’enfant, précisant qu’elle ne souhaite se voir reconnaître aucun lien de filiation avec le nouveau né aurait-il suffit à satisfaire la cour d’appel ?

On observera que cette dernière souligne en outre que la mère n’a pas consenti à l’adoption de l’enfant. Or, au regard de l’article 348-1 du code civil, seul le consentement du père biologique aurait dû ici suffire dès lors que la mère n’a aucun lien de filiation avec l’enfant. En exigeant un tel consentement de la mère, nul doute que la cour d’appel rajoute ici une condition non prévue par les textes. Mais, une fois encore, elle semble vouloir ici montrer que le père et son époux ne prouvaient pas que la mère biologique avait, soit au jour de la naissance de l’enfant soit au jour de la demande d’adoption plénière, expressément renoncé à tout lien de filiation avec l’enfant.

Et, faute pour le requérant d’avoir sollicité l’adoption simple de l’enfant, aucun lien de filiation n’est alors établi entre le conjoint du père et cette dernière.

Par cet arrêt, la cour d’appel de Paris n’exclut pas, par principe, toute possibilité d’adoption plénière par le conjoint du parent biologique. Mais cette adoption devant être prononcée dans l’intérêt de l’enfant, elle exige un minimum d’informations sur la mère biologique et, ainsi, la preuve que cette dernière ait volontairement renoncé à tout droit de filiation sur l’enfant.