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Les « hidjabeuses » déclarées hors-jeux par le Conseil d’État

Le Conseil d’État confirme la légalité de la délibération prise par la Fédération française de football visant à interdire le port de signes religieux ostensibles, incluant le voile islamique, pour les joueuses professionnelles durant les compétitions et manifestations sportives.

Bien que certains joueurs, en raison de leurs palmarès, soient considérés par certains comme des divinités, il s’avère néanmoins beaucoup plus rare de voir le fait religieux s’immiscer dans les stades. Le Conseil d’État va pourtant lever le voile, le 29 juin 2023, en se prononçant sur la légalité d’un article des statuts de la décision de la Fédération française de football (FFF) dont l’objet est d’interdire le port de tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une tenue religieuse au cours des manifestations sportives.

La FFF a modifié, par délibération de son assemblée fédérale du 28 mai 2006, l’article 1er de ses statuts en introduisant une nouvelle clause selon laquelle « (…) sont interdits, à l’occasion de compétitions ou de manifestations organisées sur le territoire de la Fédération ou en lien avec celles-ci (…) tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale ». La fédération justifie que dans le cadre de sa mission de service public , elle doit faire respecter la défense des valeurs fondamentales de la République française.

Un collectif d’associations chapeauté par l’Alliance citoyenne et le Syndicat des hidjabeuses a introduit un recours en excès de pouvoir tendant à l’annulation de ladite délibération. La requête s’articulant, au principal, autour de deux moyens d’illégalité interne : d’une part, l’atteinte excessive à la liberté de manifester ses convictions religieuses (Conv. EDH, art. 9 ; Charte UE, art. 10 et 11) et, d’autre part, la méconnaissance du principe de neutralité du service public n’étant pas applicable aux participants d’une compétition sportive puisque ces derniers seraient réputés usagers dudit service.

À la suite d’ un recours administratif préalable auprès de la FFF, qui a fait l’objet d’un rejet exprès le 31 août 2021, le collectif a introduit une action en référé-suspension (CJA, art. 521-1), jugé irrecevable au motif que la condition d’urgence n’est pas caractérisée (CE, ord., 22 nov. 2021, n° 458092).

La compétence du juge administratif : un début de match classique ?

Le premier point saillant du présent arrêt tient à la compétence, non évidente, du juge de l’administration ; en témoignent les quatre points de la décision consacrés uniquement à cette question.

En premier lieu, les juges suprêmes font application d’une règle de principe s’agissant de la qualification de la nature administrative d’un acte, en mobilisant le critère organique. Concrètement, ces derniers rappellent que les fédérations sportives sont réputées être des personnes morales de droit privé qui adoptent, par voie de conséquence, des actes qui « sont, en principe, des actes de droit privé » relevant, le cas échéant, du juge judiciaire.

Toutefois, et aux fins d’éviter une déclaration d’incompétence, le Conseil d’État ajuste son raisonnement en mobilisant plusieurs dispositions du code du sport. D’une part, il reconnaît le lien entre la fédération sportive et sa mission de service public, par l’intermédiaire d’une délégation (prenant la forme d’un agrément) du ministre chargé des sports (C. sport, art. L. 131-8). Cet agrément permet aux fédérations d’organiser librement, du moins en théorie, les compétitions sportives locales, nationales et internationales, conformément à l’alinéa 2 de l’article L. 131-1 du code du sport selon lequel : « Elles exercent leur activité en toute indépendance ».

De prime abord, ces formalités administratives ne semblent pas autoriser les pouvoirs publics à s’immiscer dans le fonctionnement interne de la...

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