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Honoraires de l’avocat et retard de paiement : modalités du recouvrement

Tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l’égard du créancier prestataire de services, d’une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement dont le montant est fixé à la somme de 40 € par l’article D. 441-5 du code de commerce. 

par Gaëlle Deharole 18 mai 2018

Dans les rapports entre l’avocat et son client professionnel, le délai de règlement de trente jours des sommes dues, visé à l’article L. 441-6 du code de commerce, court à compter de la date à laquelle l’avocat a délivré la facture au client comme il est tenu de le faire dès la réalisation de la prestation de services. 

L’avocat est un professionnel du droit qui délivre une prestation intellectuelle rémunérée. La spécificité de l’objet de la prestation de service délivrée par l’auxiliaire de justice n’exonère pas ce dernier des préoccupations économiques dans lesquelles s’inscrit son activité (Dalloz actualité, 4 janv. 2018, obs. G. Deharo isset(node/188384) ? node/188384 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>188384). Ainsi, l’avocat est, comme tout professionnel, régulièrement confronté à la question du retard de paiement qui représente un enjeu de trésorerie non négligeable. Réciproquement, l’avocat est tenu, dans ses relations avec un client, professionnel lui aussi, de respecter les obligations de transparence tarifaire prévues par le code de commerce. 

Figurant au titre IV, consacré à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrences et aux autres pratiques prohibées, du livre IV relatif à la liberté des prix et de la concurrence, l’article L. 441-6 du code de commerce prévoit que les prestataires de service sont tenus de communiquer leurs conditions générales de vente à tout demandeur de prestation de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle. Cette obligation, qui s’inscrit dans un mécanisme global de lutte contre les retards de paiement entre professionnels, s’impose à l’avocat comme aux autres prestataires de services.

Le même article dispose encore que « les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d’application et le taux d’intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ainsi que le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes sont réglées après cette date ». C’est cette question du délai de règlement des sommes dues qui était posée dans la première espèce (1).

L’article L. 441-6 du code de commerce prévoit encore que, sauf disposition contraire, le taux d’intérêt des pénalités de retard est égal au taux d’intérêt appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de dix points de pourcentage. La jurisprudence antérieure avait précisé que le juge n’a pas à rechercher le caractère manifestement excessif des pénalités ainsi convenues (Com. 25 oct. 2017, n° 16-14.520 ; 2 nov. 2011, n° 10-14.677, Dalloz actualité, 14 nov. 2011, obs. E. Chevrier ). L’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévue par cette disposition, est fixée à 40 euros par l’article D. 441-5 du code de commerce. Le professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur à l’égard de son créancier professionnel (Com. 20 déc. 2017, n° 16-25.786 ; 22 nov. 2017, n° 16-19.739, AJ Contrat 2018. 87, obs. K. Magnier-Merran ). C’est ce que vient rappeler le deuxième arrêt de la Cour de cassation (2).

1) Dans la première espèce (n° 17-13.167), une société avait confié la défense de ses intérêts à un avocat. L’avocat et la société cliente avaient signé une convention d’honoraires prévoyant un honoraire de diligence et un honoraire de résultat. Le bâtonnier de l’ordre avait été saisi d’une difficulté de paiement des honoraires et la procédure avait conduit à une première décision de la Cour de cassation (Civ. 2e, 10 déc. 2015, n° 14-26.692). C’est l’ordonnance du premier président rendue sur renvoi après cassation qui fait l’objet de la présente décision. Statuant sous les visas des articles L. 441-3 et L. 441-6 du code de commerce, la deuxième chambre civile rappelle que « dans les rapports entre un avocat et son client professionnel, le délai de règlement de trente jours des sommes dues, visé au second de ces textes, court à compter de la date à laquelle l’avocat a délivré la facture au client comme il est convenu de le faire dès la réalisation de la prestation de services ». L’ordonnance du premier président est donc cassée pour violation de la loi en ce qu’elle a appliqué le taux d’intérêt des pénalités de retard aux honoraires de diligence « à compter de la décision du bâtonnier » en énonçant qu’il est fait application de la convention d’honoraires.

2) Dans la seconde espèce (n° 17-11.926), une société avait confié la défense de ses intérêts dans plusieurs litiges à un avocat. Celui-ci avait facturé ses honoraires en 2015. Confronté à des difficultés de paiement, il avait saisi le bâtonnier de son ordre de demandes de fixation du montant des honoraires dus par son client, en application de la procédure prévue par les articles 174 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991. Un recours avait été formé contre la décision du bâtonnier devant le premier président de la cour d’appel. C’est cette décision qui est en l’espèce frappée d’un pourvoi formé par l’avocat, demandeur à la cassation.

Après avoir rappelé, sous le visa de l’article 174 du décret, qu’« il entre dans les pouvoirs du premier président, saisi d’une demande de fixation du montant des honoraires d’un avocat de statuer sur les intérêts moratoires produits par la créance de celui-ci », la deuxième chambre civile vient préciser le dispositif de lutte contre le retard de paiement. Statuant sous le visa des articles L. 441-6 et D. 441-5 du code de commerce, la Cour de cassation vient rappeler que « tout professionnel en situation de retard de paiement est, de plein droit débiteur, à l’égard du créancier prestataire de services, d’une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé à la somme de 40 € » par l’article D. 441-5 du code de commerce. La deuxième chambre civile casse ainsi l’ordonnance rendue par le premier président de la cour d’appel qui avait cru pouvoir écarter cette disposition au profit de la procédure spéciale en contestation des honoraires (V. déjà, Paris 2 mai 2007, n° 05/08816).

Cette solution est balayée par la Cour de cassation « en statuant ainsi alors que l’avocat, prestataire de services, relève des dispositions susvisées, le premier président qui s’est prononcé par des motifs inopérants, a violé par refus d’application » les articles L. 441-6 et D. 441-5 du code de commerce.