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Article

Il faut sauver les visites douanières : feu de critiques contre l’ancien article 60 du code des douanes
Il faut sauver les visites douanières : feu de critiques contre l’ancien article 60 du code des douanes
Bien que l’article 60 du code des douanes ait fait l’objet d’une déclaration d’inconstitutionnalité par une décision du 22 septembre 2022, le report de l’abrogation au 1er septembre 2023 a permis la réalisation de nouvelles visites douanières avant que le législateur n’intervienne. Selon la Cour de cassation, elles sont régulières dès lors que les agents ont constaté l’existence de raisons plausibles de soupçonner la commission ou la tentative de commission d’une infraction douanière, ou qu’ils ont opéré dans des zones et lieux présentant des risques particuliers de commission d’infractions douanières.

L’article 60 du code des douanes, dans sa rédaction issue du décret du 8 décembre 1948, constituait une parfaite illustration du caractère dérogatoire des procédures douanières. Il permettait aux agents des douanes de procéder à la visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes se trouvant sur la voie publique (Com. 12 févr. 2002, n° 99-15.899). La disposition était ancienne, et ne mentionnait pas les différentes garanties que l’on rencontre habituellement en procédure pénale depuis la fin du XXe siècle : conditions limitatives de mise en œuvre, assentiment de la personne concernée ou autorisation judiciaire. Par une décision du 22 septembre 2022 (Cons. const. 22 sept. 2022, n° 2022-1010 QPC, Dalloz actualité, 17 oct. 2022, obs. Y. Bisiou ; AJDA 2023. 195 , note J.-P. Camby et J.-E. Schoettl
; D. 2022. 1663
; RTD com. 2022. 895, obs. B. Bouloc
), le Conseil constitutionnel l’a censurée, au motif que le législateur n’avait pas assuré une conciliation équilibrée entre la recherche des auteurs d’infractions, la liberté d’aller et de venir, et le droit au respect de la vie privée. Pour éviter cette sanction, il aurait fallu limiter la mise en œuvre de ces visites douanière en ne les autorisant que dans des lieux déterminés ou en exigeant la caractérisation de raisons plausibles de soupçonner la commission d’infractions. Le Conseil constitutionnel a donc déclaré inconstitutionnel l’article 60 du code des douanes, en reportant la date d’abrogation au 1er septembre 2023. Un nouveau régime des visites douanières a été instauré par une loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023, entrée en vigueur le 20 juillet 2023.
Entre la décision du Conseil constitutionnel et la loi nouvelle, l’activité des spécialistes de la fraude ne s’est pas arrêtée ; celles des agents des agents des douanes non plus. Il ressort des affaires commentées que des fouilles de véhicules ont été réalisées sur le fondement de l’article 60 du code des douanes le 3 janvier 2023 (1re espèce), le 16 mai 2023 (2e espèce) et le 1er juillet 2023 (3e espèce). L’ambigüité autour du droit applicable à ces dates a fait naître un contentieux, dans lequel la Cour de cassation adopte une motivation particulièrement élaborée et aboutit à la conclusion que les mesures en cause ne doivent pas être annulées. La bataille juridique s’étalait sur trois fronts : les effets de la déclaration d’inconstitutionnalité, le contrôle de conventionnalité du régime des visites douanières et l’exigence de démonstration d’un grief.
Les effets dans le temps de la déclaration d’inconstitutionnalité
L’article 62, alinéa 2, de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose qu’une « disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause ». Ce texte octroie au Conseil constitutionnel les plus larges pouvoirs en matière d’aménagement des effets dans le temps de ses décisions, et les sages de la rue de Montpensier n’hésitent pas à faire preuve de créativité en la matière (v. Rép. pén., v° Question prioritaire de constitutionnalité, par M. Guillaume, nos 446 s.). Dans sa décision du 22 septembre 2022, le Conseil a non seulement reporté l’abrogation de l’article 60 du code des douanes au 1er septembre 2023, mais il a également précisé que « les mesures prises avant la publication de la […] décision ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité ». Par une interprétation a contrario de la décision, des mis en cause ont soutenu qu’il était possible de se prévaloir de l’inconstitutionnalité de l’article 60 du code des douanes lorsque la fouille a été réalisée après la publication de la décision du 22 septembre 2022.
Le dispositif de la décision du Conseil constitutionnel n’est pas des plus habituels. En règle générale, lorsqu’il reporte l’abrogation, il précise que sa décision ne pourra pas être invoquée en raison d’une application de la disposition avant la date retenue pour l’abrogation. Ainsi, dans sa décision de 2010 relative aux gardes à vue, il a reporté l’abrogation au 1er juillet 2011 en précisant que les gardes à vue réalisées avant cette date en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne pouvaient être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité (Cons. const. 30 juill. 2010, n° 2010-14/22 QPC, Dalloz actualité, 30 août 2010, obs. S. Lavric ; AJDA 2010. 1556 ; D. 2010. 1928, entretien C. Charrière-Bournazel
; ibid. 1949, point de vue P. Cassia
; ibid. 2254, obs. J. Pradel
; ibid. 2696, entretien Y. Mayaud
; ibid. 2783, chron. J. Pradel
; ibid. 2011. 1713, obs. V. Bernaud et L. Gay
; AJ pénal 2010. 470, étude J.-B. Perrier
; Constitutions 2010. 571, obs. E. Daoud et E. Mercinier
; ibid. 2011. 58, obs. S. de La Rosa
; RSC 2011. 139, obs. A. Giudicelli
; ibid. 165, obs. B. de Lamy
; ibid. 193, chron. C. Lazerges
; RTD civ. 2010. 513, obs. P. Puig
; ibid. 517, obs. P. Puig
; pour un autre ex., v. aussi, Cons. const. 3 déc. 2021, n° 2021-952 QPC, Dalloz actualité, 6 janv. 2022, obs. S. Goudjil ; AJDA 2021. 2430
; D. 2022. 1540, et les obs.
, note M. Lassalle
; ibid. 2002, obs. W. Maxwell et C. Zolynski
; Légipresse 2022. 253, obs. N. Mallet-Poujol
). Il arrive parfois que le Conseil reporte l’abrogation, empêche de se prévaloir de la décision pour les mesures antérieures à sa publication, mais qu’il prescrive aux juges un contrôle transitoire pour faire cesser l’inconstitutionnalité. Ainsi, dans sa décision du 18 janvier 2024, il a estimé que le régime du défèrement devant le procureur n’était pas conforme à la Constitution, car aucune disposition n’imposait aux autorités judiciaires d’informer le tuteur ou le curateur du majeur protégé déféré. Il a donc décidé d’une abrogation différée de la première phrase de l’article 706-113 du code de procédure pénale, reportée au 31 janvier 2025. Toutefois, dans le considérant final, il a indiqué que, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, il y avait lieu de juger que le tuteur ou le curateur devaient être avisés par le magistrat compétent du défèrement du majeur protégé (Cons. const. 18 janv. 2024, n° 2023-1076 QPC, Dalloz actualité, 5 févr. 2024, obs. B. Durieu ; D. 2024. 452
, note V. Tellier-Cayrol
; ibid. 1203, obs. J.-J. Lemouland et D. Noguéro
). La modalité d’application dans le temps de la décision du 22 septembre 2022, qui reporte l’abrogation et vise la date de publication de la décision comme date de fin pour la période de réalisation des mesures qui ne peuvent être contestées, sans prévoir de dispositif permettant de faire produire des effets à sa décision jusqu’à l’adoption d’une loi nouvelle, est plutôt originale. Elle a cependant déjà été retenue dans d’autres décisions (Cons. const. 23 avr. 2021, n° 2021-899 QPC, Dalloz actualité, 10 mai 2021, obs. D. Goetz ; D. 2021. 801
; ibid. 1509, obs. Y. Strickler et N. Reboul-Maupin
; ibid. 2109, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et E. Tricoire
; 24 nov. 2021, n° 2021-949/950 QPC, Dalloz actualité, 2 déc. 2021, obs. P. Dufourq ; D. 2022. 528, obs. M. Douchy-Oudot
; AJ fam. 2022. 6, obs. L. Mary
).
Il restait donc à savoir quel sort réserver à des fouilles qui ont été réalisées à une période où, d’après la lettre de la décision 22 septembre 2022, elles pouvaient faire l’objet d’une contestation alors que leur fondement textuel était provisoirement maintenu sans réserve. Pour la Cour de cassation, la réponse est relativement claire : les contrôles opérés avant la réécriture de l’article 60 du code des douanes ne peuvent être contestés en raison de l’inconstitutionnalité de cet article. Elle est parvenue à cette conclusion par un raisonnement en deux étapes.
Premièrement, les réserves transitoires permettant de faire produire à la décision des effets avant la date de l’abrogation doivent être explicites ; or, celle du 22 septembre n’en contenait aucune. Deuxièmement, on ne doit pas déduire de la mention que les mesures prises avant la publication de la décision ne peuvent être contestées sur le fondement de l’inconstitutionnalité retenue que les contrôles douaniers effectués entre cette publication et l’abrogation de l’article 60 du code des douanes pourraient l’être. Même si la motivation, qui bascule d’une exigence d’affirmation expresse à une interprétation du silence de la décision, peut surprendre, elle paraît fondée. En effet, le Conseil constitutionnel a le pouvoir d’indiquer comment le droit doit être interprété en attendant l’abrogation de la disposition contestée ou la loi nouvelle : s’il diffère l’abrogation tout en ne faisant pas usage de cette prérogative, c’est qu’il admet que la disposition qu’il a déclarée inconstitutionnelle soit encore mobilisée pour un temps. Ce résultat n’a rien de choquant, car on sait que les dispositions en cause sont ensuite soumises à un contrôle de conventionnalité.
Le contrôle de conventionnalité des mesures prises sur le fondement de l’ancien article 60 du code des douanes
Dans leurs pourvois, des mis en examen invoquaient la violation de plusieurs articles de la Convention européenne des droits de l’homme : les articles 5, 6 et 8, ainsi que l’article 2 du Protocole additionnel n° 4. Ces moyens sont pertinents. En effet, bien que la chambre criminelle ait pendant un temps estimé que le report de l’abrogation d’une disposition jugée inconstitutionnelle faisait obstacle à la cassation de décisions fondée sur l’inconventionnalité de la disposition en cause (Crim. 19 oct. 2010, nos 10-82.306, 10-82.902 et 10-85.051, Dalloz actualité, 21 oct. 2010, obs. S. Lavric ; D. 2010. 2425, édito. F. Rome ; ibid. 2696, entretien Y. Mayaud
; ibid. 2783, chron. J. Pradel
; ibid. 2011. 124, chron. L. Lazerges-Cousquer, A. Leprieur et E. Degorce
; ibid. 1713, obs. V. Bernaud et L. Gay
; AJ pénal 2010. 479, étude E. Allain
; RSC 2010. 879, chron. E. Gindre
), il est aujourd’hui clairement établi qu’une disposition inconventionnelle doit être immédiatement écartée, nonobstant ce qu’a pu décider le Conseil...
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