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Illustration de la motivation de la période de sûreté aux deux tiers : bis repetita

Sans toutefois énoncer des critères précis de motivation de la période de sûreté aux deux tiers, la Cour de cassation précise qu’une telle décision ne saurait uniquement se fonder sur la gravité exceptionnelle des faits et la personnalité de leur auteur.

« L’un des moyens les plus sûrs de réprimer les délits, ce n’est pas la rigueur des châtiments, mais leur caractère infaillible […] » (v. C. Beccaria, Des délits et des peines, Flammarion, 1791, § XXVII). Dans notre système juridique, les mesures de sureté (au premier rang desquelles figure la période de sûreté) font particulièrement écho à cette citation (v. L. Grégoire, Les mesures de sûreté : essai sur l’autonomie d’une notion, Fondation Varenne, coll. « Thèses », 2015). En l’occurrence, la période de sûreté désigne « un laps de temps fixé par la juridiction de jugement, au cours duquel la personne condamnée à une peine privative de liberté sans sursis ne peut bénéficier d’une mesure de faveur, en d’autres termes d’un aménagement de sa peine » (v. not., Rép. pén., Peine : nature et prononcé, par L. Grégoire et J.-P. Céré, n° 148).

Retour sur une jurisprudence en pleine (r)évolution

La période de sûreté se différencie des autres mesures de sûreté car elle « demeure intrinsèquement liée à la peine qu’elle accompagne en ce qu’elle sanctionne une infraction grave prévue par le code pénal et qu’elle suppose une « appréciation de la culpabilité du prévenu » (v. L. Grégoire, op.cit., p. 24). À cet égard, tant le Conseil constitutionnel que la Cour de cassation la qualifient de modalité d’exécution de la peine (Cons. const. 22 nov. 1978, n° 78-98 DC, JO 23 nov., p. 3928 ; 3 sept. 1986, n° 86-215 DC, JO 5 sept., p. 10788 ; Crim. 10 déc. 1980, n° 80-92.358 ; 25 juin 2014, n° 14-81.793, Dalloz actualité, 26 juin 2014, obs. M. Léna ; D. 2014. 1379, obs. M. Léna ; ibid. 2423, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et C. Ginestet ; ibid. 2015. 110, chron. G. Barbier, B. Laurent, G. Guého et T. Azéma ; AJ pénal 2014. 436, obs. M. Herzog-Evans ; RSC 2014. 589, obs. J. Danet ; Dr. pénal 2014. Comm. 123, obs. É. Bonis-Garçon ; 10 déc. 2014, n° 14-83.130, Dalloz actualité, 15 janv. 2015, obs. S. Anane ; D. 2015. 110, chron. G. Barbier, B. Laurent, G. Guého et T. Azéma ; AJ pénal 2015. 332, obs. M. Herzog-Evans ; 22 janv. 2020, n° 19-84.084, Dalloz actualité, 18 févr. 2020, obs. A. Roques ; D. 2020. 153 ; ibid. 2367, obs. G. Roujou de Boubée, C. Ginestet, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et E. Tricoire ; Dr. pénal 2020. Comm. 66, obs. É. Bonis ; Dr. pénal 2020. Chron. 3, n° 20, obs. É. Bonis ; Gaz. Pal. 18 févr. 2020, p. 42, obs. C. Berlaud). 

Cependant, elle constitue une mesure d’une particulière gravité à deux endroits. Sur le plan matériel, elle fait obstacle à toute mesure d’individualisation de l’exécution de la peine, dont la cardinalité dans le processus exécutoire n’est pourtant plus à démontrer. Cela n’est pas anodin, car la période de sûreté fait obstacle, durant le temps de son exécution, à presque tous les aménagements de peine (C. pr. pén., art. 720-2, al. 1). Sur le plan temporel, la période de sûreté peut durer jusqu’aux « deux tiers de la peine prononcée ou vingt-deux ans en cas de condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité » (C. pén., art. 132-23). Malgré cela, la période de sûreté n’a longtemps fait l’objet d’aucune obligation de motivation (Crim. 23 oct. 1989, n° 88-84.690 ; 15 mars 2017, n°...

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