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Immunité judiciaire : imputer à son adversaire une mauvaise foi confinant à l’escroquerie n’est pas diffamer

Viole les articles 29 et 41 de la loi du 29 juillet 1881 le premier président d’une cour d’appel qui accueille la demande de suppression de la phrase « et procédant d’une mauvaise foi qui confine à l’escroquerie » figurant dans les écritures déposées au soutien des intérêts d’une partie.

Dans le cadre d’une procédure de référé expertise en matière immobilière, des époux confièrent leur défense à un avocat sans qu’aucune convention d’honoraires ne soit signée. Par la suite, ils saisirent le bâtonnier de l’ordre des avocats d’une contestation du montant des honoraires qui leur avaient été réclamés par leur conseil.

Le premier président de la Cour d’appel d’Amiens (Amiens, ord., 6 juill. 2021, n° 19/08767) fixa à 400,83 € hors taxe la somme totale due à l’avocat au titre des honoraires litigieux. Par ailleurs, il ordonna la cancellation, dans les conclusions que l’avocat avait déposées, des termes « et procédant d’une mauvaise foi qui confine à l’escroquerie » et condamna ce dernier à payer à ses ex-clients la somme de 500 € chacun en réparation de leur préjudice moral.

Dans son pourvoi, le conseil soutenait notamment que ces propos constituaient une appréciation générale sur l’argumentation développée par la partie adverse, sans lui imputer un fait précis, en l’occurrence la commission d’une escroquerie, de sorte que les articles 29 et 41 de la loi sur la presse avaient été méconnus. Ce moyen est accueilli par la deuxième chambre civile qui constate l’absence de portée diffamatoire des propos susvisés et, dès lors, casse et annule, sur le fondement des articles 29 et 41 de la loi sur la presse, l’ordonnance rendue, mais uniquement sur la cancellation de ces derniers. La solution illustre la question de l’immunité des débats judiciaires et la possible suppression, par le juge saisi du fond, des discours injurieux, diffamatoires ou outrageants, laquelle demeure néanmoins conditionnée par l’existence d’une infraction, non caractérisée en l’espèce.

Le principe de l’immunité judiciaire

La règle de l’immunité judiciaire exclut l’engagement de toute poursuite à raison des propos tenus et des écrits produits devant les juridictions au cours d’une instance, que ce soit par les avocats, les parties, les témoins et les experts (Rép. pén., v° Délit d’audience, par F. Saint-Pierre, n° 21). Destinées à garantir l’exercice des droits de la défense et la sincérité des témoignages (Crim. 1er déc. 1992, n° 88-85.650), les dispositions de la loi sur la presse qui fondent cette immunité traduisent le droit à une forme d’outrance dans l’exercice des droits de la défense (v. C. Bigot, Pratique du droit de la presse, coll. « Guides Legipresse », 2020, n° 333.24, estimant que le plaideur dispose d’un « droit fondamental à se comporter de manière virulente,...

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