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Impossibilité pour une personne transgenre d’accéder à un traitement hormonal en détention et droit au respect de la vie privée

La Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Pologne, reconnaissant une violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, en raison de la privation d’un traitement hormonal d’une femme transgenre à l’occasion de sa détention.

La requérante, reconnue de sexe masculin à sa naissance, a été emprisonnée à plusieurs reprises entre novembre 2013 et mai 2024 pour différents délits de droit commun (en particulier de vol et d’escroquerie). Les peines d’emprisonnement ont été effectuées dans des prisons pour hommes.

À la suite de différents actes de mutilation commis en prison en 2018, dont une orchidectomie bilatérale pratiquée par elle-même ayant nécessité une hospitalisation, une expertise médicale a été requise par le directeur de l’établissement pénitentiaire.

L’expertise médicale a reconnu en décembre 2018 la nécessité de la poursuite d’un traitement hormonal, étant précisé par le médecin que « l’absence de mise en œuvre immédiate de ce traitement constitue un risque grave pour la santé, entraînant une détérioration significative de son efficacité », et « qu’un tel traitement aurait des effets positifs sur la vie et la santé de la requérante et qu’il contribuerait à sa réadaptation » (§ 9).

Le traitement prescrit a été autorisé par les autorités pénitentiaires polonaises, sous réserve que le coût du traitement soit supporté par la requérante. Il est précisé que « grâce à la thérapie, l’apparence de la requérante a changé et sa santé physique et émotionnelle s’est améliorée », ce qui a encouragé à la poursuite du traitement hormonal y compris après le transfert de la requérante dans d’autres établissements pénitentiaires.

Après un changement d’établissement pénitentiaire en 2020, la requérante a sollicité auprès du directeur de l’établissement le renouvellement de son traitement, qui lui a été refusé. En effet, « le chef de l’unité médicale de la prison a déclaré que l’administration d’hormones féminines à un homme en milieu pénitentiaire sans avis d’expert psycho-psychiatrique approfondi et sans tests endocrinologiques recommandés par un endocrinologue consultant était très risquée » (§ 13). Le rendez-vous avec un endocrinologue a néanmoins été retardé en raison des restrictions liées à la covid-19.

Malgré les démarches entreprises par l’avocat de la requérante début juillet 2020, le traitement n’a pu être renouvelé à temps : la requérante est ainsi privée de son traitement à partir du 18 juillet 2020. Le traitement est inaccessible à la requérante jusqu’au 31 juillet, après qu’une demande de mesures provisoires a été formulée auprès de la Cour le 29 juillet. La Cour a enjoint le 30 juillet au gouvernement polonais d’« administrer à la requérante… des hormones prescrites par son endocrinologue […] aux doses prescrites, à ses frais, jusqu’à ce qu’un endocrinologue en décide autrement ».

Une consultation avec un médecin endocrinologue, le 5 août 2020, a permis le renouvellement pérenne du traitement et son acheminement dans le nouvel établissement pénitentiaire.

Si la Cour a pu estimer que la privation d’un traitement hormonal pendant presque deux semaines constituait une violation de l’article 8 de la Convention européenne relatif au droit à la vie privée, cette...

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