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Incidence du défaut de renouvellement de la publicité d’un contrat de crédit-bail mobilier en présence d’une succession de procédures collectives

Classiquement, la demande de restitution d’un bien formée par un crédit-bailleur sur le fondement de l’article L. 624-10 du code de commerce suppose que le contrat en cause ait fait l’objet d’une publicité avant le jugement d’ouverture de la procédure collective du crédit-preneur. Or, pour la Cour de cassation, un jugement arrêtant un plan de redressement ne peut pallier le défaut de renouvellement de la publicité du contrat de crédit-bail.

La connaissance de la situation patrimoniale du débiteur sous procédure collective est essentielle, puisque d’elle, dépend le périmètre des biens soumis à l’effet réel de la procédure collective.

Dans ces conditions, l’identification des biens et droits dont le débiteur est propriétaire au jour du jugement d’ouverture de la procédure est nécessaire. Or cette détermination implique un tri, au sein de l’actif apparent du débiteur, entre les biens qui lui appartiennent effectivement et ceux dont il n’est que détenteur précaire et qui sont donc susceptibles d’être revendiqués par des tiers (F. Pérochon et al., Entreprises en difficulté, 11e éd., LGDJ, 2022, n° 2907).

Le « tri » évoqué s’incarne alors dans cette action en revendication.

Par principe, le propriétaire d’un bien meuble détenu par le débiteur au jour de l’ouverture de sa procédure collective doit exercer une action en revendication (v., en présence d’un bien absent du patrimoine du débiteur au jour de l’ouverture, Com. 26 oct. 2022, n° 20-23.150 P, Dalloz actualité, 16 nov. 2022, obs. B. Ferrari ; D. 2022. 1901 ; Rev. sociétés 2022. 707, obs. F. Reille ), laquelle, si elle aboutit, permettra de rendre opposable à la procédure collective le droit de propriété du demandeur (C. com., art. L. 624-9). Au contraire, si le bien n’est pas revendiqué, le propriétaire sera sanctionné d’une inopposabilité de son droit de propriété à la procédure collective (pour un regard critique sur cette sanction, v. J. Théron, Combattre un monstre juridique : la propriété inopposable des biens non revendiqués, D. 2018. 2424 ).

Malgré ces premières règles, les titulaires de contrats publiés bénéficient, de longue date, d’une dispense de revendication. Dans ce cas, ils peuvent réclamer la « simple » restitution de leur bien (C. com., art. L. 624-10).

Du reste, si la publicité du contrat est décisive, encore faut-il opérer une distinction entre deux sortes de contrats publiés. D’abord, il y a ceux qui le sont à titre facultatif et où la publicité n’a pour seul objet que de dispenser son titulaire d’avoir à revendiquer son droit de propriété. Puis, il y a ceux qui, au contraire, doivent l’être obligatoirement. Or cette seconde catégorie nous intéresse plus particulièrement, puisqu’elle concerne les contrats de crédit-bail. Dans cette hypothèse, la publication revêt une importance cruciale, car elle conditionne l’opposabilité même du droit de propriété aux créanciers et ayants cause du détenteur précaire du bien (CMF, art. L. 313-10). En somme, l’absence de publicité du contrat de crédit-bail est sanctionnée par l’impossibilité pour le propriétaire d’opposer son droit de propriété aux créanciers du débiteur sauf s’il est établi que les intéressés avaient eu connaissance de ces droits (CMF, art. R. 313-10).

Au demeurant, l’on s’aperçoit ici que la question n’est plus de savoir si le crédit-bailleur est dispensé ou non d’exercer une action en revendication au profit d’une demande en restitution, car, à défaut de publicité de son contrat, il ne pourra exercer ni une ni l’autre de ces actions !

Plus encore, même si le contrat est publié, le crédit-bailleur n’est pas à l’abri de toutes difficultés, puisque les inscriptions prises en vertu de l’article L. 313-10 du code monétaire et financier se prescrivent par cinq ans, sauf renouvellement (CMF, art. L. 313-11).

L’arrêt sous commentaire porte spécifiquement sur la problématique des effets dudit renouvellement postérieurement à l’adoption d’un plan de redressement, résolution de celui-ci et liquidation judiciaire subséquente.

Précisément, la Cour de cassation avait à répondre à la question de savoir si la « mention » du contrat de crédit-bail au sein du jugement arrêtant un plan de redressement pouvait suffire à pallier l’absence de renouvellement de la publicité du contrat.

Les faits de l’arrêt

En l’espèce, une société (le crédit-bailleur) a conclu avec une autre (le crédit-preneur) un contrat de crédit-bail portant sur une machine d’impression. Ce contrat a fait l’objet, le 28 octobre 2011, d’une mesure de publicité qui n’a pas été renouvelée avant l’expiration du délai de prescription de cinq ans prévu à l’article L. 313-11 du code monétaire et financier.

À la suite de la mise en redressement judiciaire du...

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