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Incompatibilité entre demande de résiliation judiciaire et réintégration pour nullité du licenciement

Lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la nullité de son licenciement au cours d’une même instance, le juge, qui constate la nullité du licenciement, ne peut faire droit à la demande de réintégration.

par Clément Couëdelle 17 février 2021

En tant que lien contractuel, la relation de travail n’est pas immuable et chacune des parties au contrat est libre d’y mettre un terme pour des raisons et dans des circonstances diverses. Si le licenciement et la démission sont perçus comme les modes « classiques » de rupture du contrat de travail, des modes « alternatifs » se sont progressivement développés afin de tenir compte de la réalité, souvent complexe, du rapport contractuel entre employeur et salarié. La prise d’acte de rupture et la résiliation judiciaire du contrat de travail ont ainsi vu le jour. Cette multitude de possibilités pose la délicate question de l’articulation des modes de rupture du contrat de travail. En effet, il arrive parfois que l’employeur et le salarié aient chacun pris l’initiative de la rupture, pour des raisons exclusives et autonomes, mais de manière quasi-simultanée. Les procédures en viennent à se superposer, à s’entremêler, générant par là même d’inévitables problématiques. L’arrêt soumis à l’étude nous en donne une juste illustration.

En l’espèce, une salariée avait saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail pour harcèlement moral, discrimination et inégalité de traitement. Quelques mois plus tard, et alors que la procédure suivait son cours, la salariée était licenciée pour cause réelle et sérieuse. Estimant que la rupture du contrat de travail était directement liée à son action en justice, la salariée contestait le bien-fondé de son licenciement et maintenait par ailleurs la demande de résiliation judiciaire introduite initialement. Par arrêt du 29 juin 2020, la cour d’appel de Versailles écartait la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail au motif que ni le grief de harcèlement moral ni celui de discrimination n’étaient établis. Néanmoins, les juges retenaient la nullité du licenciement dès lors qu’il s’apparentait à une sanction des accusations de harcèlement moral émanant de la salariée. Par conséquent, la cour d’appel ordonnait la réintégration de la salariée et condamnait l’employeur au paiement d’une indemnité d’éviction et de dommages-intérêts au titre de la nullité de son licenciement. La salariée décidait de se pourvoir en cassation pour avoir été déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts en réparation de la discrimination qu’elle estimait avoir subie. En parallèle, son employeur formait un pourvoi incident afin de contester la nullité du licenciement et les conséquences pratiques de la décision, à savoir la réintégration et le paiement d’indemnités diverses. C’est ce dernier point qui aura toute notre attention.

Pour l’employeur, la cour...

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