Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Indemnités d’expropriation : recevabilité du mémoire en réplique et date de référence

Les expropriés ne peuvent bénéficier de la plus-value apportée à leurs immeubles par les opérations d’urbanisme prévues par l’autorité expropriante. Un mémoire en réplique de l’intimé est recevable même s’il est déposé hors délai dès lors qu’il ne comporte que des éléments complémentaires en réplique au mémoire de l’appelant.

par Gatien Hamelle 6 février 2018

Dans le cadre d’un projet de rénovation urbaine, deux parcelles appartenant aux consorts X ont été expropriées au profit de l’établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d’Azur (l’EPF PACA). Les consorts X ont saisi le juge de l’expropriation du département des Alpes-Maritimes en fixation de l’indemnité leur revenant. Reprochant au juge d’expropriation de retenir une certaine date de référence et contestant le montant de l’indemnité d’expropriation, les expropriés ont interjeté appel.

N’ayant pas été entendus, ils ont développé deux moyens devant le juge de cassation : l’irrecevabilité du mémoire en réplique de l’intimé et la fixation de la date de référence à la date de publicité de la déclaration d’utilité publique (DUP) emportant mise en compatibilité du plan local d’urbanisme (PLU).

Recevabilité du mémoire en réplique de l’intimé même déposé hors délai

Aux termes de l’article R. 311-26 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, « à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, l’intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu’il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant ».

Les consorts X ont déposé un premier mémoire le 10 juillet 2015, contre lequel l’EPF PACA a déposé un mémoire en défense le 4 août 2015, dans le délai de deux mois imparti par l’article R. 311-26. Par la suite, les consorts X ont déposé un mémoire complémentaire le 5 octobre 2015 et un mémoire de production le 29 janvier 2016. En réponse à ces deux mémoires, l’établissement public foncier en a déposé un, en réplique, le 24 février 2016.

Devant la Cour de cassation, les expropriés ont reproché aux juges d’appel d’avoir statué au visa du mémoire de l’EPF PACA du 24 février 2016. Ils n’ont pas eu gain de cause, les hauts magistrats rejetant leur prétention, au motif que « le mémoire “en réplique et récapitulatif” remis au greffe et notifié le 24 février 2016 par l’intimé ne comportait que des éléments complémentaires en réplique au mémoire complémentaire et au mémoire de production » déposés par les consorts X.

Cette solution apparaît moins stricte que celle que la Cour de cassation avait retenue en 2012 (Civ. 3e, 24 oct. 2012, n° 11-22.458, Dalloz actualité, 20 nov. 2012, obs. C. Fleuriot isset(node/155790) ? node/155790 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>155790), estimant qu’une cour d’appel ne peut statuer au visa d’un second mémoire de l’intimé déposé hors du délai de l’article R. 13-49 (actuel art. R. 311-26), alinéa 2, du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, même si un premier mémoire a été déposé dans le délai.

La position retenue dans l’arrêt rapporté semble, en définitive, reprendre une ancienne jurisprudence (Civ. 3e, 9 juin 1999, n° 98-70.112, D. 1999. 179 ; AJDI 1999. 1146 , obs. M. Huyghe ; RDI 1999. 390, obs. C. Morel ) qui admet la recevabilité d’un mémoire complémentaire déposé hors délais lorsque ce dernier ne fait que répliquer au mémoire de la partie adverse (sur la question, v. G. Forest, Dalloz actualité, 18 nov. 2008 isset(node/128268) ? node/128268 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>128268, ses obs. ss. Civ. 3e, 5 nov. 2008, n° 07-17.014, ayant jugé que le mémoire en réponse de l’intimé doit être déposé dans le mois de la notification du mémoire de l’appelant, peu important que ce dernier ait complété son mémoire initial par un mémoire complémentaire).

Précisions sur la fixation de la date de référence

Dans un second moyen, les consorts X reprochaient à la cour d’appel de fixer la date de référence au 30 janvier 2008, date d’approbation du PLU et non au 10 décembre 2013, date de publicité de la DUP emportant mise en compatibilité du PLU.

Au sens de l’article L. 213-4 du code de l’urbanisme, la date de référence est « la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan d’occupation des sols, ou approuvant, révisant ou modifiant le plan local d’urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien ».

Les consorts X estimaient que la date de référence était celle de la publicité de la déclaration d’utilité publique emportant mise en compatibilité du PLU. La Cour de cassation a rejeté cet argument en considérant que « la date de publication de l’acte déclarant d’utilité publique une opération et emportant mise en compatibilité du plan local d’urbanisme ne faisait pas partie de celles limitativement prévues par l’article L. 213-4 du code de l’urbanisme ».

Elle a estimé que les expropriés ne pouvaient « bénéficier de la plus-value apportée à leurs immeubles par les opérations d’urbanisme prévues par l’autorité expropriante ».

Cette solution inédite se fonde sur l’article L. 322-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, qui prévoit que, « quelle que soit la nature des biens, il ne peut être tenu compte des changements de valeur subis depuis la date de référence, s’ils ont été provoqués par l’annonce des travaux ou opérations dont la déclaration d’utilité publique est demandée ».