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Infiltration par un journaliste : rejet des qualifications de montage et d’escroquerie

Si le journaliste a fait usage d’un faux nom, celui-ci n’a pas joué un rôle déterminant dans l’obtention des images et des paroles des parties civiles, et le fait de taire sa qualité professionnelle et de se présenter comme militant ne constitue pas une fausse qualité mais un simple mensonge. 

par Sébastien Fucinile 3 mai 2016

Par un arrêt du 30 mars 2016, la chambre criminelle a rendu un arrêt très intéressant concernant les qualifications de montage portant atteinte à la représentation de la personne et d’escroquerie. Des journalistes, des producteurs et le président de France télévisions avaient été poursuivis à la suite de la diffusion, sur France 2, d’un reportage relatif à l’infiltration d’un journaliste dans des établissements et des associations catholiques qualifiés de traditionnalistes, afin de faire état de certaines réalités des milieux d’extrême-droite. Si les prévenus avaient été condamnés, en appel, pour le délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée, ils avaient en revanche été relaxés des délits de montage portant atteinte à la représentation de la personne et d’escroquerie, relaxe approuvée par la chambre criminelle qui a rejeté les pourvois formés par les différentes parties civiles. Cet arrêt est très intéressant s’agissant des précisions apportées sur les éléments constitutifs du délit de montage. Il l’est également pour le rejet de la qualification d’escroquerie que les parties civiles avaient cru voir dans le fait pour un journaliste d’emprunter une fausse identité pour s’infiltrer dans ces associations afin d’y obtenir l’image et les paroles de certaines personnes.

S’agissant du délit de montage, les parties civiles reprochaient aux prévenus d’avoir, par la diffusion du reportage, dénaturé la réalité en faisant des montages consistant en la sélection de certaines séquences et en ne respectant pas la chronologie de ces séquences. La chambre criminelle a approuvé la cour d’appel d’avoir relaxé les prévenus de ce chef, en soulignant que si le reportage était à l’évidence le fruit d’un montage, puisque les journalistes avaient sélectionné les séquences à diffuser et en avaient déterminé l’ordre et la présentation, il ne procédait d’aucune manipulation du sens des images et des paroles enregistrées. Si cette solution doit être approuvée, elle illustre cependant les difficultés suscitées par la rédaction du texte d’incrimination. L’article 226-8 du code pénal punit « le fait de publier, par quelque voie que ce soit, le montage réalisé avec les paroles ou l’image d’une personne sans son consentement, s’il n’apparaît pas à l’évidence qu’il s’agit d’un montage ou s’il n’en est pas expressément fait mention ». Ce texte suscite des difficultés en ce qu’il ne définit pas ce qu’il faut entendre par « montage », alors qu’il s’agit là de l’élément matériel de l’infraction. Le texte d’incrimination n’exige pas un montage altérant les paroles ou l’image d’une personne, mais seulement un montage publié sans son consentement. Or, toute œuvre audiovisuelle est nécessairement un montage, puisqu’elle est le fruit de la sélection de certaines séquences, de leur découpage, de leur placement dans un ordre déterminé et de leur association à des éléments sonores. On ne peut donc entendre la notion de montage dans un sens purement technique. L’insertion de cette incrimination dans un chapitre consacré aux atteintes à la personnalité et, plus précisément, dans une section relative à l’atteinte à la représentation de la personne, indique que le montage en cause doit porter atteinte à la représentation de la personne. La difficulté est...

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