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Information par le notaire, choix du nom, livret de famille : conséquences réglementaires de l’ouverture de l’AMP

Le décret du 1er mars tire les conséquences réglementaires de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique. Il tient compte de l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées en adaptant les règles relatives à la délivrance du livret de famille, au choix du nom et en complétant les informations que le notaire doit leur donner avant le recueil de leur consentement.

Le décret du 1er mars 2022 modifie plusieurs dispositions du code de procédure civile pour les adapter à l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation (AMP) aux couples de femmes et aux femmes non mariées. Il précise en outre la teneur des informations délivrées par le notaire. L’article 1157-2 du code de procédure civile, qui prévoyait antérieurement que « les époux ou concubins » recourant à une AMP avec donneur devaient y consentir devant notaire, vise désormais « le couple ou la femme non mariée » ayant recours à une AMP nécessitant l’intervention d’un tiers donneur. Le fond est inchangé : une déclaration devant notaire est exigée et, pour les couples, il doit s’agir d’une déclaration conjointe.

Informations délivrées par le notaire

Dans le même ordre d’idées, l’article 1157-3 du code de procédure civile modifié précise que l’information du notaire, préalable au recueil de la déclaration, a vocation à s’adresser aux membres d’un couple ou à une femme non mariée. La teneur de ces informations est complétée. Sans changement, le notaire doit délivrer une information concernant :

• l’impossibilité d’établir un lien de filiation entre l’enfant issu de la procréation et l’auteur du don, ou d’agir en responsabilité à l’encontre de celui-ci (C. civ., art. 342-9) ;

• l’interdiction d’exercer une action aux fins d’établissement ou de contestation de la filiation au nom de l’enfant, sauf à soutenir que celui-ci n’est pas issu de l’AMP ou que le consentement a été privé d’effet (C. civ., art. 342-10, al. 2) ;

• les cas où le consentement est privé d’effet ;

Remarque : le consentement est privé d’effet en cas de décès, d’introduction d’une demande en divorce ou en séparation de corps, de signature d’une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel selon les modalités prévues à l’article 229-1 du code civil ou de cessation de la communauté de vie, survenant avant la réalisation de l’insémination ou du transfert d’embryon, ou encore lorsque l’un des membres du couple le révoque, par écrit et avant la réalisation de l’AMP (C. civ., art. 342-10, al. 3) ;

• la possibilité de faire déclarer judiciairement la paternité hors mariage de celui qui, après avoir consenti à l’AMP, ne reconnaît pas l’enfant qui en est issu, et d’exercer contre lui une action en responsabilité (C. civ., art. 342-13, al. 1 et 2).

Cette information doit désormais s’accompagner de deux autres :

• s’agissant des couples de femmes, le notaire doit les informer que la femme qui fait obstacle à la remise de la reconnaissance conjointe mentionnée à l’article 342-11 du code civil à l’officier de l’état civil engage sa responsabilité. Il doit également signaler la possibilité de faire apposer cette reconnaissance sur l’acte de naissance de l’enfant sur instruction du procureur de la République à la demande de l’enfant majeur, de son représentant légal s’il est mineur ou de toute personne ayant intérêt à agir en justice (C. civ., art. 342-13, al. 3 et 4).

Aucune indication n’est donnée sur une éventuelle initiative d’office du procureur de la République pour faire inscrire la reconnaissance conjointe à l’état civil (à la différence de ce que prévoient les dispositions transitoires de la loi du 2 août 2021 pour des reconnaissances conjointes consécutives à des AMP réalisées à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la loi ; la mention de la reconnaissance conjointe en marge de l’acte de naissance de l’enfant ne peut alors intervenir que sur instruction du procureur de la République, qui doit s’assurer que les conditions du dispositif transitoire sont bien respectées) ;

• l’autre information concerne la possibilité qu’aura l’enfant d’accéder à sa majorité aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur (CSP, art. L. 2143-2).

L’acte notarié doit mentionner que ces informations ont été données.

Adaptation des règles relatives à la délivrance du livret de famille

Parallèlement, le décret du 1er mars 2022 (art. 2, 5°, a) complète l’article 9 du décret n° 74-449 du 15 mai 1974 relatif au livret de famille et à l’information des époux et des parents sur le droit de la famille. Cet article prévoit que les actes ou jugements qui ont une incidence sur un acte ou un certificat en tenant lieu, dont l’extrait figure au livret de famille, doivent être mentionnés par l’officier de l’état civil à la suite de cet extrait. Au titre des actes devant ainsi être mentionnés figurent désormais les déclarations conjointes faites en application des premier et quatrième alinéas de l’article 342-12 du code civil, c’est-à-dire la déclaration conjointe par laquelle deux femmes choisissent le nom de famille qui sera dévolu à l’enfant au moment de la déclaration de naissance, ou la déclaration conjointe par laquelle elles indiquent vouloir ne transmettre qu’un seul nom à l’enfant. Ces déclarations sont portées sur le livret de famille par l’officier de l’état civil qui les reçoit ou par l’officier de l’état civil dépositaire de l’acte de naissance.

Adaptation des règles relatives au nom

Enfin, le décret du 1er mars 2022 (art. 3) complète le décret n° 2004-1159 du 29 octobre 2004 portant application de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 relative au nom de famille et modifiant diverses dispositions relatives à l’état civil. L’objectif est de rendre applicables au nom de l’enfant issu d’une AMP ayant bénéficié à un couple de femmes les dispositions concernant les modalités de la déclaration conjointe de choix du nom de l’enfant, au plus tard au moment de la déclaration de naissance, qui sera annexée à son acte de naissance (Décr. n° 2004-1159, 29 oct. 2004, art. 1er, al. 1er), spécialement lorsque l’enfant est né à l’étranger. La déclaration conjointe de choix de nom doit alors être remise à l’officier de l’état civil du ministère des affaires étrangères compétent pour transcrire l’acte de naissance (Décr. n° 2004-1159, 29 oct. 2004, art. 4). Ce renvoi permet aussi de préciser un point négligé par la loi du 2 août 2021. En effet, si la loi a bien prévu une possible absence de déclaration conjointe à l’officier de l’état civil mentionnant le choix du nom de l’enfant (l’article 342-12, alinéa 1, du code civil prévoit que l’enfant prend alors leurs deux noms, dans la limite du premier nom de famille de chacune d’elles, accolés selon l’ordre alphabétique), elle n’a pas envisagé l’hypothèse d’un désaccord des deux femmes sur ce point (hypothèse qui devrait être rare et n’augure rien de bon pour la suite, mais qui ne peut pour autant être exclue). Le décret du 1er mars 2022 reprend la solution de droit commun prévue par l’article 311-21 du code civil (modifié sur ce point par la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe). Si l’une des deux femmes fait connaître son désaccord (par écrit) devant l’officier de l’état civil de son choix lors de la déclaration de naissance, il appartient à l’officier de l’état civil de viser le document et de le restituer. Le parent remet ce document à l’officier de l’état civil du lieu de naissance de l’enfant, et ce dernier indique dans l’acte de naissance le nom de l’enfant constitué du premier nom de chacun des parents accolés selon l’ordre alphabétique. Si le désaccord vient à être porté à la connaissance de l’officier de l’état civil après l’établissement de l’acte de naissance, ce dernier saisit le procureur de la République afin qu’il ordonne la rectification du nom.

 

Dictionnaire permanent Santé, bioéthique, biotechnologies, 4 mars 2022