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Au visa des articles 415, 415-1 du code des douanes et 593 du code de procédure pénale, la chambre criminelle précise les conditions pouvant conduire à une déclaration de culpabilité au titre d’un blanchiment douanier. Après avoir rappelé que le principe de complémentarité autorisant le cumul des qualifications pénales et douanières s’applique au blanchiment, la Cour critique la motivation des juges du fond en ce qu’elle reposait sur une utilisation abusive de la présomption posée par l’article 415-1. Si la présomption de blanchiment douanier se limite à l’origine illicite des fonds, il reste encore à démontrer que les fonds en question proviennent d’un délit douanier ou portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union ou encore d’une infraction concernant les stupéfiants.
Depuis quelques années, l’infraction de blanchiment d’argent semble devenir le pis-aller des autorités en matière d’infraction économique. Faisant écho à une criminalité économique en sophistication croissante, le domaine du blanchiment s’étend comme une ombre tentaculaire. Comme le montre l’arrêt rendu par la chambre criminelle le 10 janvier 2024, il appartient au juge de limiter le recours à cette qualification en dessinant ses contours.
En l’espèce, le 7 octobre 2017, un individu a été soumis à un contrôle routier par des agents des douanes. Malgré sa déclaration initiale indiquant qu’il transportait la somme de 60 000 € en espèces et se dirigeait vers le Luxembourg en vue d’un vol à destination de la Turquie, les autorités ont découvert, dissimulée dans son véhicule, une somme bien plus substantielle s’élevant à 176 750 €.
Déclaré coupable en première instance du triple chef de blanchiment, blanchiment douanier et transfert de capitaux sans déclaration, le prévenu a été condamné, d’une part, à deux ans d’emprisonnement avec sursis et à la confiscation de la somme de 176 750 € et, d’autre part, à deux amendes douanières de 176 750 et 88 375 €.
Après avoir été débouté en appel par la chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Nancy, le 26 janvier 2022, le prévenu s’est pourvu en cassation. Le pourvoi s’articulait autour de deux axes : le premier contestait la régularité d’un cumul de déclaration de culpabilité en présence d’un fait unique ; le second critiquait la déclaration de culpabilité du chef de blanchiment douanier en dénonçant l’emploi abusif de la présomption posée à l’article 415-1 du code des douanes. Le requérant reprochait à la cour d’appel d’avoir motivé sa décision en se reposant uniquement sur le fait que les conditions de la découverte et les déclarations du prévenu démontraient qu’il était dans l’impossibilité de rapporter la preuve de l’origine et de la licéité des fonds transportés.
Après avoir écarté le premier moyen en rappelant le principe de complémentarité des infractions pénales et douanières, la chambre criminelle rend un décision de cassation partielle au visa des articles 415, 415-1 du code des douanes et 593 du code de procédure pénale. Selon la Haute Cour, la présomption de blanchiment douanier ne peut se satisfaire de la seule impossibilité de justifier l’origine et la licéité des fonds. Elle rappelle à ce titre que la présomption de blanchiment douanier ne se satisfait pas de la seule origine occulte des fonds. Encore aurait-il fallu démontrer que le transport des fonds litigieux avait pour objectif de dissimuler le produit d’une des trois catégories d’infractions visées à l’article 415-1 du code des douanes, à savoir un délit prévu par le code des douanes ou portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne ou d’une infraction à la législation sur les substances ou plantes vénéneuses classées comme stupéfiants. La cour d’appel n’a, dès lors, pas suffisamment motivé sa décision en déclarant le prévenu...
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Auteur(s) : Jean-Christophe Crocq