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Intoxication polymédicamenteuse en détention et article 2 de la Convention européenne

Les juges européens ont eu à statuer sur une allégation de violation de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme sous son volet matériel dans un contexte de décès d’une personne détenue, époux et père des requérants, des suites d’une intoxication polymédicamenteuse. 

La Cour européenne des droits de l’homme s’est positionnée comme le précurseur de la reconnaissance des droits et libertés fondamentaux des personnes détenues sur le fondement de la dignité humaine. En effet, il est désormais pleinement établi que l’évolution du droit français est profondément liée au positionnement des juges européens. L’arrêt commenté s’intéresse spécifiquement au droit à la protection de la vie.

Dans le cas d’espèce, les juges européens ont eu à apprécier le respect du droit à la protection de la vie à la suite du décès d’une personne détenue dans une maison d’arrêt, époux et père des requérants, des suites d’une intoxication polymédicamenteuse.

Il importe d’évoquer en premier lieu l’appréciation spécifique opérée par la Cour européenne quant au respect des droits et libertés fondamentaux en détention, avant de s’intéresser à la motivation des juges ayant abouti, dans le cas d’espèce, au constat d’une absence de violation de la Convention européenne.

Une appréciation du respect des droits et libertés fondamentaux propre à la détention

Par l’arrêt commenté, les juges européens se dressent dans la continuité de leur jurisprudence antérieure en raisonnant selon des critères d’appréciation et théorie propres à la détention.

Une protection du droit à la vie élargie en détention

Sur le fondement de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, les juges ont consacré une protection élargie du droit au respect de la vie du fait de la situation de vulnérabilité des personnes détenues et de leur dépendance de l’administration pénitentiaire.

Ainsi, au-delà de la protection contre les tiers, il s’agit également de protéger la personne détenue contre elle-même, soit en matière de suicide (CEDH 16 nov. 2000, Tanribilir c/ Turquie, n° 21422/93, § 70, AJDA 2000. 1006, chron. J.-F. Flauss ; RFDA 2001. 1250, chron. H. Labayle et F. Sudre ; 7 janv. 2003, Younger c/ Royaume-Uni, n° 57420/00 ; 5 juill. 2005, Troubnikov c/ Russie, n° 49790/99, § 68, D. 2006. 1078, obs. J.-P. Céré, M. Herzog-Evans et E. Péchillon ; 31 mars 2020, Jeanty c/ Belgique, n° 82284/17, §§ 71 s., Dalloz actualité, 30 avr. 2020, obs. D. Goetz).

Ensuite, la spécificité des établissements pénitentiaires implique un renforcement de la protection du droit au respect de la vie découlant de l’article 2 de la Convention européenne par le biais d’une accentuation de la prévention requise des risques (L. de Graëve, Le droit à la vie et l’administration pénitentiaire, RFDA 2009. 947 ). Ainsi, à titre d’exemple, le défaut de mise à disposition de matériels de literie sécurisés est susceptible d’engager la responsabilité de l’administration dès lors qu’il est rendu nécessaire par le comportement de la personne détenue ou en raison de la configuration de la cellule (CE 17 déc. 2008, n° 305594, Dalloz actualité, 19 déc. 2008, obs. M.-C. de Montecler ; Section française de l’observatoire...

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