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Invalidation de la divulgation des informations au grand public sur le bénéficiaire effectif

La Cour de justice de l’Union européenne invalide le dispositif selon lequel les informations sur les bénéficiaires effectifs des sociétés et autres entités juridiques constituées sur leur territoire devaient être accessibles dans tous les cas à tout membre du grand public.

L’obligation pour les États membres de tenir un registre des bénéficiaires effectifs résulte des directives n° 2015/849 du 20 mai 2015, modifiée par celle, n° 2018/843 du 30 mai 2018. Le récent arrêt de la grande chambre de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur l’accès aux registres européens des bénéficiaires effectifs fait grand bruit dans la presse généraliste (A. El Idrissi, A. Michel et J. Baruch, « La Cour a détruit en un jour le résultat d’années de travail » : stupeur dans la société civile après une décision judiciaire sur la transparence financière, Le Monde, 5 déc. 2022) et économique (I. Couet, L. Boisseau, Anti-blanchiment : l’Europe contrainte de restreindre l’accès aux données personnelles, Les Échos, 2 déc. 2022). C’est que les journalistes ont pu se servir du registre pour des investigations d’ampleur (OpenLux, enquête sur le Luxembourg, coffre-fort de l’Europe, Le Monde, 8 févr. 2021 ; E. Freudenthal, Y. Guégan, C. Emmel, Y. Van der Weide et K. Pfenniger, Immobilier de luxe : comment la France attire l’argent douteux du monde entier, L’Obs, 7 juill. 2022). En effet, le bénéficiaire effectif est la ou les personnes physiques « 1° soit qui contrôlent en dernier lieu, directement ou indirectement, le client ; 2° soit pour laquelle une opération est exécutée ou une activité exercée » (C. mon. fin., art. L. 561-2-2). La connaissance de ce bénéficiaire effectif permet ainsi de faire tomber les masques juridiques sous lesquels des personnes physiques travestissent leurs intérêts.

Espèce

La directive de 2018 a supprimé la condition d’accès aux informations par le grand public à la démonstration d’un « intérêt légitime » (art. 30 de la dir. de 2015). Il en résulte un accès illimité du grand public à certaines informations contenues dans le registre des bénéficiaires effectifs. Cette large ouverture des registres européens au public a conduit deux sociétés à saisir le registre luxembourgeois afin d’obtenir que l’accès aux informations de leur bénéficiaire effectif soit restreint en raison des risques encourus par ce dernier. Deux questions préjudicielles ont été posées à la CJUE qui s’est prononcée en grande chambre le 22 novembre 202, essentiellement sur celle portant sur la validité des dispositions des directives au regard des articles 7 (respect de la vie privée et familiale) et 8 (protection des données à caractère personnel) de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Elle juge que ces libertés s’opposent aux dispositions des directives qui imposent aux États membres de veiller à ce que des informations sur les bénéficiaires effectifs des sociétés et autres entités juridiques constituées sur leur territoire soient accessibles sans restriction à tout membre du grand public (v. déjà, R. Mortier, La CJUE invalide l’accès du grand public aux informations sur les bénéficiaires effectifs, Tribune, EFL, 12 déc. 2022).

Atteinte aux droits fondamentaux

En premier lieu, la Cour relève que l’article 30 de la directive de 2015 impose aux États de donner accès au grand public « au moins, au nom, au mois et à l’année de...

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